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Zémire et Azor à l’Opéra-Comique: de l’inutilité du conformisme

Les bonnes idées sont toujours reprises, pillées, ressassées jusqu'à plus soif. C'est ainsi que depuis le formidable Bourgeois gentilhomme mis en scène par , le commun des metteurs en scène pense qu'il suffit de placer une série de bougies en fond de scène et de faire rouler les R à ses acteurs pour que le public s'extasie devant l'authenticité, vraie ou supposée, de la démarche, en oubliant au passage tous les autres composants d'un véritable spectacle.

C'est de nouveau le cas avec ce Zémire et Azor, qui restera de sinistre mémoire. Il ne manque pas une chandelle, et les dialogues, nombreux, qui s'intercalent entre les airs, sont déclamés de façon outrée, avec l'accent qui convient, comme on suppose qu'ils se disaient dans les théâtres de foire. Ils semblent de ce fait complètement fabriqués, et d'une longueur interminable. On ajoute à cela des costumes et des décors d'une insupportable laideur et trois «cariatides» grimées et vêtues de blanc, ou plutôt de gris sale, censées animer une action bien languissante. On néglige, avec la conscience du travail bien accompli, tout le reste de ce qui, à l'époque, avait fait la réussite de l'œuvre.

Or, que racontent les chroniques de l'époque ? Que le librettiste Marmontel avait situé l'action de ce remake de la Belle et la Bête en Orient, car la première représentation se déroula à Versailles, et il voulait profiter du faste des lieux pour éblouir son public. De nos jours, on ne demande pas à une petite production, venue de Royaumont et programmée seulement deux fois, de déployer ors et velours, mais il aurait été tout simplement bienvenue d'éviter la laideur et de faire preuve d'un tant soit peu d'astuce et d'originalité. Ah, si ! Pendant quelques secondes, des bras tenant des candélabres dépassent d'un paravent, en hommage au film de Jean Cocteau. Incroyable, non ? On raconte aussi que la scène pendant laquelle la Belle voit sa famille dans un miroir magique, grâce à un trucage encore inconnu (en fait un papier huilé tendu dans un cadre, violemment éclairé) avait fait sensation. C'est ici une projection vidéo tremblotante, d'une esthétique qui n'est même plus discutable.

Ce ratage est dommageable pour la charmante musique de Grétry, et plus encore pour les fort jolies voix de et .

Crédit photographique : © Abdallah Lasri

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