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Les Sonates de Manchester par Fabio Biondi, Vivaldi à l’anglaise ?

Les Sonates de Manchester d' n'ont de britannique que la ville qui recueillit et détient encore aujourd'hui les manuscrits de Vivaldi. Cette œuvre traversa la Manche au cours d'un périple mouvementé : écrites initialement pour le cardinal Pietro Ottoboni, très riche mécène de la Cour de Rome, elles durent être vendues à sa mort en paiement de dettes. Les Sonates furent ainsi récupérées, transmises jusqu'en Angleterre et finalement acquises par la ville de Manchester. La Bibliothèque de Manchester n'ayant curieusement jamais répertorié les œuvres non-Haendeliennes en sa possession, les fameuses Sonates ne furent retrouvées qu'en 1973 par Michael Talbot, Professeur de musique à l'Université de Liverpool et spécialiste de Vivaldi.

Le recueil de douze pièces pour violon est souvent présenté par les musicologues comme un tournant important dans l'œuvre de Vivaldi. Ici, chaque pièce fait la part belle au violon qui s'impose davantage devant le jeu de la basse continue. De plus, il s'agit de Sonates de chambre, dont les mouvements de danse ne sont mentionnés souvent qu'a posteriori, à titre indicatif, donnant à l'ensemble de l'œuvre un caractère plus uniforme, aux couleurs pastel et poétiques.

C'est la maison Arcana qui réédite l'interprétation donnée par en 1993. Son style raffiné et épuré s'efface humblement derrière le discours musical. Trop humblement ? La version présentée ici gomme les extravagances, la fulgurance chamarrée que l'on attend de prime abord de suites de danses. Le violon, aux couleurs musicales lumineuses, est rehaussé par une bonne prise de son permettant une bonne dissociation des jeux instrumentaux.

Si parfois l'auditeur aimerait trouver plus de vigueur dans les mouvements de danse rapides, comme le ferait un Andrew Manze, le jeu de fascine là où Andrew Manze ferait justement défaut, c'est-à-dire dans les passages plus lents : largos ou preludios se distinguent, quelque soient la Sonate écoutée, par une grande profondeur de vue, avec une réelle émotion. Par exemple, la Sonate en mi mineur (RV 17a) s'ouvre sur un magnifique largo, sensible et méditatif. La Sonate en la majeur (RV 758), n'hésite pas à prendre le temps dans le Preludio, et révèle les structures de l'Allegro décidé sans être nerveux, l'énergie est bien là dans les dynamiques Correntes. Pourtant, l'on regrette le manque de fougue dans la Corrente de la Sonate en do mineur (RV 6).

Ces Sonates de Manchester se déclinent ainsi sous le signe de la tempérance, en délaissant le surfait et l'emphase, non sans regrets peut-être pour les amoureux des emportements virtuoses.

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