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Reprise lumineuse de Dance de Lucinda Childs

La reprise de la lumineuse pièce Dance, emblématique des années minimalistes du New-York de la fin des années 70, était précédée de Songs from before, une création néoclassique de pour le Ballet de l'Opéra national du Rhin.

Songs from before, la création de pour le Ballet de l'Opéra national du Rhin, compagnie avec laquelle elle collabore depuis plusieurs années, a des accents nostalgiques. Le titre, qui peut se traduire par «chansons d'autrefois» bien sûr, mais aussi une musique mélodramatique signée Max Richter, le compositeur du film d'animation israélien Valse avec Bachir. La danse, enfin, néoclassique par les postures, les silhouettes, les sauts, les ports de bras ou les costumes bien tenus à la taille.

Le tout sur fond de cyclo et de tapis de danse blanc, rythmé de paravents ajourés verticalement, a un petit côté Quaker qui sied aux danseurs de cette sérieuse compagnie de répertoire. Minutieusement construite, avec des entrées et des sorties incessantes, la pièce est apaisante par sa fluidité, son exécution si parfaite qu'elle pourrait être entièrement dansée sur pointes. Mais cette pièce de la maturité reste très lisse et sage, sans aspérités, quel dommage pour une ancienne de la Judson Church à New York !

Par contraste, c'est un véritable choc de revoir Dance, une pièce emblématique de la chorégraphe américaine, compagne de route des minimalistes ou Bob Wilson. L'amplitude des parcours, les inclinaisons du buste des danseurs, le rythme millimétré des entrées et des sorties, tout concourt à rendre cette pièce intemporelle. Certes, comme on le voit dans le film de Sol LeWitt projeté à l'avant-scène qui sert de décor au spectacle, les gestes des danseurs d'origine étaient plus rapides, plus saccadés, moins léchés que ceux, fluides et harmonieux, des danseurs du Ballet de l'Opéra national du Rhin. On ne peut alors s'empêcher de se lancer dans la fascinante comparaison entre les danseurs d'hier et ceux d'aujourd'hui.

Cette comparaison est encore plus frappante dans le solo central, interprété par elle-même à la création : buste et épaules raides, bras relâchés, jambes parallèles, elle est chaussée de simples tennis blanches. Hypnotique, il demande une précision et une mémoire véritablement diaboliques. La superposition des images et du réel interroge avec acuité la question de la transmission, du répertoire, mettant en évidence les différentes façons de bouger selon que l'on a une formation classique ou de post modern dance. C'est un moment passionnant et une belle tranche d'histoire de la danse qu'il est heureux que des compagnies comme celle dirigée par Bertrand d'At entretiennent avec conviction.

Crédit photographique © Jean-Luc Tanghe

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