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Sakari Oramo et le Chamber Orchestra of Europe, première collaboration

Pour leur première collaboration, et le ont choisi un programme très contrasté, mariant des époques et des styles diamétralement opposés. Une forme de mise à l'épreuve ? Si tel est le cas, le pari est réussi, et ce n'est pas leur partenaire pour l'occasion, , qui s'en plaindra. Plus qu'une soliste, c'est elle qui fait le lien entre le chef et l'ensemble : habituée à travailler avec le , elle a récemment enregistré les concertos de Sibelius et de Lindberg avec .

Le concerto de Prokofiev est idéal : en moins d'une demi-heure, il permet au soliste d'explorer tout le spectre des émotions, du recueillement à la rage la plus noire en passant par le sarcasme typique de son auteur. épouse avec bonheur toutes ces nuances expressives et expédie les écueils techniques avec une sûreté et une assurance proprement désarmantes – parfois un peu sur le fil. Pour mieux rendre le superbe thème initial, on aurait toutefois aimé un peu plus de fragilité ; l'entrée in medias res du soliste manque ici à notre goût du mystère qui fait de ces pages un pur moment de bonheur.

L'œuvre suivante de Saint-Saëns, à défaut de nous montrer d'autres aspects du jeu de la soliste, confirme ce que nous avons pu observer. Pour la servir, fait montre du même engagement, de la même assurance, et c'est tant mieux. Il faut bien avouer que si le soliste n'est pas à la hauteur, cette œuvre brillante, toute entière bâtie autour de lui, ne tient tout simplement pas.

L'ensemble et le chef témoignent à ces occasions d'une grande capacité d'écoute. Ils laissent à la soliste l'espace dont elle a besoin tout en bâtissant autour d'elle l'écrin idéal à ses démonstrations de virtuosité. Le plaisir est évident, et partagé.

Deux œuvres inégales encadraient la prestation de Lisa Batiashvili, dont la première, le Concert Românesc de , paie un large tribut à la figure tutélaire de la musique hongroise qu'est Bartok. Les deux premiers mouvements sont basés sur des chants populaires, harmonisés et soumis à des effets de timbre, cependant que le final Presto poco sostenuto se souvient du Divertimento, par le système d'opposition concertino/ ripieno. Le tout donnerait l'impression du déjà-vu, bien fait mais sans plus, n'était le troisième mouvement, certainement le plus personnel, dont le dialogue entre les deux cors, entre le plateau et la coulisse, a intrigué plus d'un auditeur.

En conclusion de ce vaste programme venait la Troisième Symphonie de Schumann, véritable monument de son auteur, érigé à la gloire du Rhin autant qu'à la mémoire de Beethoven. On cherchera en vain d'autre exemple plus frappant du génie orchestral de Schumann : tout y est, le développement instrumental, les tutti majestueux, la pompe comme la finesse. Dans l'interprétation proposée, le Lebhaft initial a été largement sacrifié. Lourd, empesé, le discours peine à adopter l'ampleur requise au début du mouvement cependant que le solo de cor qui initie la réexposition tombe comme un cheveu sur la soupe plutôt que d'émerger de la texture orchestrale. Les deux mouvements suivants sont plus réussis, on y sent un ensemble en grande forme, qui a trouvé ses marques. Il faut néanmoins attendre l'imposant Feierlich pour être véritablement saisi ; l'angoisse mortifère de ce choral hors temps balaie tout ce qui a précédé, comme tout ce qui viendra par la suite, d'ailleurs. Ce mouvement est le véritable point fort de l'interprétation comme de la partition, et le final ne peut résonner que comme un sourire forcé et pas vraiment convaincant après un chant d'une désolation si totale.

Malgré ces quelques défauts, on remarquera la grande cohésion de l'ensemble, menée par un jeune chef sûr de lui ; on ne peut que souhaiter qu'ils développent leur collaboration, tant ils nous promettent de beaux moments de musique.

Crédit photographique : © Arto Sakari Korpinen

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