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L’Amazonie à Broadway… et à Paris !

«L'Amazonie à Broadway», promettait le Théâtre du Châtelet. Et parce que Magdalena est en grande partie composée de pièces antérieures de Villa-Lobos, cette «aventure musicale», pour reprendre son sous-titre générique original, est une parfaite invitation à découvrir ou redécouvrir celui qui fut sans doute le plus grand compositeur brésilien mais aussi l'un des compositeurs les plus originaux du XXe siècle.

L'histoire oppose la jeune Maria, jefa des indiens Muzos, qui souhaite apaiser chrétiennement le conflit entre le Général Carabaña et les ouvriers exploités des mines d'émeraudes, à son amoureux Pedro, adepte de la lutte des classes et décidé à inciter ses frères à la révolte. , déjà acclamé dans les deux mondes pour une œuvre à l'exotisme très en vogue, fut approché en 1945 par deux producteurs et librettistes de Broadway, Frederick Hazlitt Brennan et Homer Curran, qui recherchaient un compositeur pour créer une comédie musicale qui aurait pour titre le nom du grand fleuve de Colombie, le Rio Magdalena, et dont l'action se déroulerait dans la forêt vierge. Lorsque leur collaboration commence, en 1947, l'écriture se fait en un temps record, tant le projet plaît au compositeur. On y retrouvera les thèmes qui lui sont chers : la saudade de son Paris où il séjourna et fut fêté dans les années 1920, nostalgie qu'il confie au personnage de la parisienne Teresa ; l'influence de la religion sur le peuple, responsable pour Pedro de la molesse de ses compatriotes opprimés ; la lutte pour la justice. Quant aux musiques, ce sont celles des mélodies populaires qui lui reviennent en mémoire. Son Chant des bateliers du São Francisco, le grand fleuve du Brésil, illustre désormais le Rio Magdalena ; on retrouve «A la marée montante» dans le rituel nocturne de l'arbre qui chante ; l'Adieu à Paris de Teresa emprunte à la Valse de la douleur pour piano, etc.

emmène l' dans une belle énergie, met en valeur les rythmes chaloupés et les lignes mélodiques séductrices d'une partition chatoyante, soutient les chanteurs et permet aux danseurs dirigés par Warren Adams de donner une vie supplémentaire à l'ouvrage. Kate Whoriskey propose une lecture très lisible de l'œuvre, sans tomber dans l'écueil du kitsh. La naïveté du propos est assumée et l'on suit avec plaisir les personnages de cet univers auquel elle apporte sa touche de poésie. Décors et costumes, particulièrement soignés, achèvent de nous emporter en voyage dans une Colombie de fantaisie. Derek McLane, tout en proposant une scénographie stylisée, nous plonge dans l'univers de la forêt vierge par le choix de couleurs chaudes, kaki et dorées, subtilement mis en lumière par Alexander Koppelmann. Les costumes au contraire, avec des couleurs beaucoup plus vives, amusent l'œil et rappellent l'univers de l'opérette avec notamment un général ridicule très ventripotent et une cuisinière française malicieuse à souhait. L'ouvrage est très bien distribué, d'un couple à l'autre : les jeunes premiers attachants – et – et le couple bouffe de la parisienne délurée et du caudillo grotesque – et , parfaits dans leurs emplois. est un Padre José juste et à la voix magnifiquement timbrée, Harry Nicoll apporte la note d'émotion nécessaire au genre dans le rôle du Vieil Homme qui chante la magie du Rio Magdalena, Vincent Ordonneau et Matthew Gonder complètent avec efficacité cette belle équipe.

Crédit photographique : (Pedro) et (Maria) © Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet

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