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Nessun maggior dolore

Les forces de Radio-France s'allient à une belle équipe d'artistes russes pour un programme aussi passionnant qu'original. D'abord, une petite pièce orchestrale du jeune Scriabine (1898), pas aussi fulgurante que ses œuvres postérieures, mais charmante avec ses harmonies aux contours flottants. la détaille avec un tact sûr qui met en valeur les coloris d'un Orchestre Philharmonique en très bonne forme. Le violoncelliste donne ensuite le Concerto de Miaskovski, une œuvre de 1944, nostalgique et pensive. Malgré les efforts expressifs tentés par le soliste et le chef, le deuxième et dernier mouvement se traîne sans vraiment passionner, même si la dernière séquence, à partir de la cadence, est un beau moment. Le jeu du violoncelliste laisse une impression mitigée, puissant mais collé à la corde et d'une justesse plutôt laborieuse. En bis, deux extraits des Suites de Bach, recueillis et chantants, le montrent sous un jour plus favorable.

L'orchestre s'étoffe pour le trop rare opéra de Rachmaninov, tiré de quelques vers célèbres de Dante («Nessun maggior dolore / Che ricordarsi… »). On rappelle souvent les désaccords entre le compositeur et le librettiste Modest Tchaikovsky, qui avait d'ailleurs projeté le livret pour son frère. C'est peut-être plutôt en raison des moyens musicaux et scéniques nécessaires que l'œuvre n'a pas fait carrière, car le livret se tient et la musique est saisissante, tant dans le luxuriant duo que dans les chœurs sans paroles, tout en gémissements, du second cercle de l'Enfer. reste fidèle à des tempi mesurés mais n'oublie pas l'immense crescendo de passion qui anime l'œuvre. Les dosages sont bien calculés, les rythmes et les couleurs vivifiés. L'excellence du chœur et la qualité des solistes achèvent de donner tout son lustre à la partition. Les voix robustes de Vitaly Panfilov et Alexander Naumenko conviennent bien à l'atmosphère empesée du prologue, Mikhail Gubsky est un Paolo au chant séduisant et bien timbré. Anna Aglatova paraît une jeune artiste à suivre, au timbre avenant. En Lanceotto, enfin, assume toutes les affres de la jalousie : son timbre est toujours magnifique, son autorité toujours impériale.

Crédit photographique : © James McMillan / Warner Classics

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