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Makropoulos à Nantes, quelle affaire !

Sans renouveler totalement le miracle de leur Jenůfa nantaise de 2007, couronnée par le Syndicat professionnel de la critique de musique, théâtre et danse, et confirment, avec cette nouvelle production de L'Affaire Makropoulos, leur rare compréhension de l'univers de .

Dans un dispositif scénique intemporel, sobre et angulaire, ils s'attachent avec une précision méticuleuse à caractériser chaque protagoniste et à rendre lisible chacune des nombreuses et parfois complexes intentions du compositeur et librettiste. La direction d'acteurs est fouillée et inspirée, et on ne note aucune baisse d'intérêt dans cette présentation d'un ouvrage pourtant souvent jugé, et à juste titre, difficile. On se prend même à sourire à la vue de l'habit de toréador de Hauk-Sendorf ou du costume de très joli costume de Chérubin porté par Krista au deuxième acte, comme à celle de l'enchevêtrement de valises au troisième acte.

L'innovation la plus marquante concerne la scène finale où Emilia apparaît grimée en clown et dans un état d'ébriété avancé pour faire sa confession, avant de se dépouiller de ses atours grotesques pour aborder la mort avec dignité. Elle transmet alors le flambeau à une Krista immobile à l'avant-scène qui, au lieu de brûler la formule comme le prévoit le livret, la dévore, l'assimile. La diva a ainsi trouvé son héritière, et le spectateur des images très fortes.

Les personnages qui gravitent autour d'Emilia Marty sont tous remarquablement distribués. Adrian Thompson aborde le clerc Vitek avec une puissante voix de ténor de caractère. Contracté à son entrée en scène, Atilla Kiss sert ensuite Gregor avec lyrisme et conviction. Découverte récemment dans Lucio Silla, joint aux agréments d'un physique juvénile, ceux d'une voix fraîche et fruitée. Le solide baryton de John Fanning, Kolenaty à toupet, fait face à la basse sombre de Robert Hayward, Prus massif et détestable à souhait. Beau Palmer réalise un remarquable numéro d'acteur, emporté par la démence de Hauk-Sendorf, tout comme Robin Tritschler, idéalement niais en Janek.

Reste le rôle titre que Kathryn Harries interprète avec des dons d'actrice depuis longtemps reconnus et une intensité énorme. Elle est une Emilia Marty fascinante, insondable, partagée entre le feu et la glace. Convaincante sur le plan dramatique, elle l'est un peu moins sur le plan vocal dans une tessiture peut-être trop aiguë pour ses moyens actuels. Le timbre perd sa trame dans le haut de la tessiture et le vibrato se fait parfois encombrant.

Déjà au pupitre de Jenůfa, livre une lecture vive et contrastée, et souligne chaque trait d'une orchestration rutilante et chaque subtilité rythmique. Les pupitres de l'Orchestre national des Pays de Loire répondent brillamment à chacune de ses sollicitations, avec une précision et une plénitude sonore aussi remarquable dans les envolées symphoniques que dans les commentaires chambristes. Angers Nantes Opéra et le tandem Caurier et Leiser nous auront décidément offerts en peu de temps deux productions d'opéras de Janáček qui feront date.

Crédit photographique : Kathryn Harries (Emilia Marty) ; Adrian Thomson (Vitek), John Fanning (Kolenaty), & (Krista) © Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

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