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José van Dam, trente ans de présence à la Monnaie

Le présent enregistrement rassemble des souvenirs sonores de certains des plus beaux spectacles donnés par au Théâtre de la Monnaie entre 1981 et 2002. Il s'agit donc avant tout d'un émouvant hommage au grand chanteur, qui a fait tout récemment ses adieux à la grande scène de son pays natal, au terme de près d'un demi-siècle de carrière.

Certains de ces extraits doublent donc, d'une certaine manière, les superbes enregistrements réalisés en studio par Van Dam, dans des meilleures conditions techniques et avec des partenaires parfois plus inspirés. C'est ainsi avec Karajan que Van Dam a gravé son Hollandais et son Amfortas, mais si les conditions du studio assurent à voix de la basse un son plus rond et plus chaud, le direct lui permet plus d'engagement dramatique. Cela est tout particulièrement valable pour la scène extraite de Salomé, opéra également gravé avec Karajan et qui permet ici d'entendre l'interprétation incendiaire de la pulpeuse Catherine Malfitano, mais également pour celles des Meistersinger, autrefois enregistrés sous la baguette de Georg Solti. Le Golaud de Van Dam est également connu, enregistré tout d'abord avec Karajan puis avec Abbado, et à une époque où le chanteur était au sommet de sa gloire vocale. On retrouve avec le même plaisir le «Scintille diamant» des Contes d'Hoffmann, auquel la vérité de la scène confère une urgence dramatique et un sens de la communication parfois absents des enregistrements discographiques.

Le disque capté à la Monnaie permet également de découvrir Van Dam dans des rôles où le connaît moins. Si le rôle bouffe du Turco in Italia ne semble pas convenir à sa vocalité, on se réjouit en revanche de découvrir ici Van Dam en Don Giovanni, rôle qui convient bien mieux à la noblesse de sa voix que celui de Leporello, autrefois immortalisé par le film de Losey et le disque de Lorin Maazel. On regrette que seuls deux extraits du chef-d'œuvre de Mozart soient proposés, d'autant plus que le duetto «La ci darem la mano» souffre de la présence d'une Zerline plutôt terne (Joanna Koslowska). Si Van Dam figure dans le légendaire enregistrement de Simone Boccanegra dirigé par Claudio Abbado, l'album de la Monnaie permet de le découvrir en Doge. L'extrait retenu confirme une fois encore les qualités de noblesse et d'engagement dramatique de Van Dam, mais il apporte également la preuve que les rôles de baryton verdien n'étaient de toute évidence pas adaptés au format vocal du grand chanteur, bien plus à l'aise dans des tessitures plus graves ; il n'y a donc pas à regretter que Van Dam n'ait jamais eu l'occasion de chanter Rigoletto. On a plaisir également à retrouver, dans la grande scène de la fin de l'acte 1 de Simone Boccanegra, le soprano de Nancy Gustafson et le ténor d'Alberto Cupido, deux valeureux troupiers des années 1980 et 1990 qui, en raison de la rude concurrence de l'époque, n'ont pas pu faire carrière discographique qu'ils auraient sans doute méritée.

Le clou de cet enregistrement réside sans aucun doute dans les deux extraits de Boris Godounov, un rôle que Van Dam n'a hélas jamais enregistré dans son intégralité. L'impact émotionnel de ces deux scènes, l'engagement dont fait preuve Van Dam dans ces deux moments véritablement hallucinés, mériteraient à tout prix que la Monnaie mette sur le marché l'intégralité de cette version de l'opéra.

En somme, un hommage non seulement à un des plus grands chanteurs de la deuxième moitié du XXe siècle, mais également la carte de visite d'un théâtre qui a su faire preuve au cours de toutes ces années, comme le montrent d'ailleurs les miracles réalisés par les divers chefs que l'on retrouve d'une plage à l'autre de ces deux CD, de témérité, de constance et d'originalité.

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