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La Messe en si, un périlleux défi relevé par John Butt

Il faut du courage, de l'insouciance a-t-on presque envie de dire, pour publier une énième version de la monumentale Messe en si de Bach, qui a fait l'objet à ce jour de près de cent quatre-vingts enregistrements depuis le pionnier Albert Coates en 1929 !

Le claveciniste et musicologue relève pourtant le défi, en s'appuyant sur les thèses développées par Joshua Rifkin au début des années 1980 concernant l'effectif vocal dans les œuvres de Bach, une voix par partie, les chanteurs étant à la fois choristes et solistes. Il «ose» cependant renforcer les chœurs avec des ripiénistes. Le minimalisme concerne également l'orchestre, ici dix-neuf musiciens, dont sept cordes mais le résultat qui est parfois problématique dans une église et à fortiori dans une salle de concert, se révèle assez convaincant. Pour cet enregistrement, utilise l'édition Rifkin parue en 2006 chez Breitkopf. Grâce à une prise de son proche, peu réverbérée, à des interprètes investis, le chef soutient l'attention du début à la fin, privilégiant cependant une vision enlevée qui s'illustre particulièrement dans les nombreux passages solennels et festifs : Gloria in excelsis Deo, Gratias agimus tibi, Cum Sancto Spiritu, Patrem omnipotentem, Et resurrexit, Osanna

Les redoutables fugues restent assez lisibles et le fondu des voix fonctionne bien dans les parties chorales, même si ressort souvent la soprano II, Cecilia Osmond, dont la fraîcheur de la voix n'est pas sans rappeler celle d'un enfant. Les chanteurs, même s'ils ne déméritent pas, sont cependant un peu justes dans les arias et duos, à l'image du basse dans Quoniam tu solus Sanctus et Et in spiritum Sanctum, l'Agnus Dei, interprété par une alto, ayant par ailleurs du mal à nous tirer les larmes. L'orchestre, malgré son faible effectif, est solide, notamment les instruments solistes, violon, hautbois d'amour, flûte, cor, et le continuo apporte un soutien attentif aux voix. Une nouvelle version qui malgré les options «radicales» n'est pas du tout rachitique mais fort plaisante à écouter, et loin d'être insignifiante parmi les versions récentes comparables (Junghänel, Kuijken ou Minkowski).

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