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Tchaïkovski, oui mais Boris !

L'enregistrement que nous propose ici le label Hänssler dans sa collection Profil est l'exacte création de la Symphonie n°2 de , captée à Moscou le 17 octobre 1967. Après avoir dormi dans les archives privées du compositeur, il connaît maintenant une publication officielle, autorisée par la veuve du compositeur, qui en a fourni l'enregistrement d'origine, et par Nina Kondrashina, épouse du chef d'orchestre Kirill Kondrashin. Le CD est complété par des pièces pour piano jamais publiées jusqu'ici, jouées par le compositeur lui-même. On y trouvera des œuvres de jeunesse datant des années 35-38, un Prélude de 1945 et une Etude de 1972.

S'il partage son patronyme avec Piotr Illich, aucun lien de parenté ne lie Boris, né à Moscou en 1925, avec son illustre prédécesseur, mort en 1893. pas plus qu'il n'y a vraiment de filiation musicale directe entre les deux, le premier étant clairement un compositeur ancré dans le XIXe siècle alors que le second est héritier des grands compositeurs du début du XXe, russes bien sûr, mais pas seulement, l'influence de Bartók s'entendant assez nettement dans la symphonie reproduite sur ce CD. Il fut un des plus illustres représentants de l'école russe d'alors et sa Symphonie n°2 est un des sommets de son corpus. L'œuvre est d'envergure et occupa, non sans difficultés, le compositeur pendant plus de deux années, à tel point qu'il fut parfois sur le point d'abandonner son ouvrage. Il l'interrompit d'ailleurs pendant tout le temps de composition de sa Chamber Symphony. En trois mouvements de coupe classique, débutant par un Allegro, nettement le plus développé des trois, suivi par un Largo et un Allegretto de presque égale ampleur, la symphonie dure près de 50 minutes d'une musique ample, vigoureuse, très contrastée sinon même torturée par moment, de couleur très dramatique et pleine de tension, qui, si on voulait simplifier, s'approcherait de Bartók pour son aspect rythmique et de Chostakovitch, qui fut peut-être le plus influent professeur de , pour la façon de maintenir le souffle sur toute la longueur des développements. Bien qu'écrite dans les années 60, époque où la musique contemporaine s'était radicalisée mais, comme chacun le sait, pas vraiment en Russie très encadrée de l'époque, cette symphonie n'emprunte évidemment pas ces chemins extrêmes, utilisant parfois une tonalité étendue voire de subtiles dissonances toutefois jamais exposées pour elles-mêmes, le tout avec intelligence et modération. C'est plutôt dans le travail sur l'orchestre où certaines sections sont divisées par quatre, intervenant séparément, se répondant, ou se joignant dans de puissants climax, qu'il faut chercher la modernité de l'œuvre, comme dans le cheminement des thèmes et leur transformation entre les instruments. L'œuvre impressionne dès sa première écoute et son introduction pizzicato du violon solo, qui se transforme rapidement en une implacable section rythmique reprise progressivement par tout l'orchestre, donnant le ton à toute la symphonie, qui saura par la suite alterner, comme à l'époque classique, tension et détente. Il faut lui reconnaitre une indéniable force de conviction qui capture l'attention pendant 50 minutes et une intelligence d'écriture qui va même jusqu'à réussir assez remarquablement le risqué et délicat exercice de citation d'illustres passages (Mozart, Beethoven, Bach et Schumann s'entendent à la fin du premier mouvement). Si on fait abstraction du contexte historique « tardif » de sa composition, l'œuvre est réellement à connaître et s'impose parmi les réussites du genre, d'autant que la direction particulièrement inspirée de Kirill Kondrashin met le feu à l', au point qu'on a du mal à imaginer pouvoir entendre mieux dans cette œuvre. Coup d'essai, coup de maître.

Les œuvres pour piano des années 30 montre un jeune compositeur encore branché sur le siècle passé avec des pièces qui pourraient ressembler à Chopin ou Schumann. C'est joliment écrit, fort agréable à entendre, mais assez impersonnel. L'Etude datée de 1972 est plus originale, mais elle ne dure que 58 secondes.

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