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En voyage estonien avec Eino Tamberg et Neeme Järvi

, quand il ne tente pas de battre les records de vitesse dans les symphonies de Bruckner et Mahler, reste un incroyable défricheur de musiques inconnues.

Les musiques scandinaves et des rives de la mer Baltique lui doivent énormément et le vieux chef ne se lasse de continuer à chercher de nouvelles terres musicales à diffuser.

La découverte de ce disque réside dans trois partitions de son compatriote estonien . Figure importante de la musique en Estonie et professeur de composition à l'académie de musique de Tallinn entre 1969 et 2006, ce compositeur se forma en autodidacte, fuyant le carcan ces esthétiques imposées du temps de l'URSS. Il fit partie de la génération des VeljoTormis ou Arvo Pärt qui émergea à la fin des années 1950, cherchant dans de nouvelles directions hostiles au réalisme soviétique. Son Concerto grosso, de 1956, pour instruments à vents, piano et orchestre à cordes, montre l'affirmation stylistique d'un jeune compositeur qui puise dans les formes de la musique baroque mais utilise un instrumentarium qui fait la part belle au saxophone, un instrument considéré comme décadent du temps de Staline. Les vingt minutes de cette pièce sont un régal d'énergie et d'inventivité. On pense au Prokofiev constructiviste, au Bartók des suites dansées mais aussi à l'ironie acide du Hindemith des Kammermusik. On ne se lasse pas du peps rageur et de la motorique implacable du dernier mouvement.

Composées, en 1957, les Danses symphoniques, poursuivent l'exploration de la relation entre rythme et métrique amorcée par le Concerto Grosso. L'esprit du folklore et des danses estoniennes sont aux avants plans, tirants la partition vers Bartók ou Tubin mais avec des réminiscences de Chostakovitch, surtout dans l'ajout de trois saxophones au large orchestre convoqué.

Attiré par la scène, Tamberg est l'auteur de cinq opéras (dont un d'après Cyrano de Bergerac) et de ballets. Joanna tentata (La tentation de Jeanne) reprend le sujet des Diables de Loudun d'Aldous Huxley. La partition est au croisement de plusieurs styles : utilisation de douze sons (sans verser dans le sérialisme), passages aléatoires et citations de musiques anciennes stylisées. La résultat est efficace au niveau dramaturgique, mais aussi dans la création de différentes ambiances correspondantes aux personnages.

Le chef estonien garde l'énergie qu'il met à décaper les symphonies romantiques, mais fait preuve de plus d'acuité et d'impact, ciselant les angles de cette musique. L'orchestre de La Haye fait des étincelles que flattent les micros de Bis. On notera que les ingénieurs du label suédois captent l'orchestre avec plus de richesses que ceux de Chandos.

Certes, la musique d', ne révolutionne pas l'art de la composition. Mais, il s'agit comme Kalevi Aho ou Einojuhani Rautavaara, d'un créateur important qui continue à explorer un chemin tracé depuis plusieurs siècles. Les hifistes passionnés pourront également se procurer cet album pour épater leurs proches.

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