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Quatre créations à Royaumont !

Fondation Royaumont

Pour le troisième week-end musical de sa saison 2010, la Fondation Royaumont et son directeur artistique recevait l', une formation de jeunes interprètes résidant à Strasbourg que son chef semble avoir hissé en quelques années à un niveau d'excellence si l'on en juge par la prestation remarquable qu'il donnait samedi soir dans la salle du Réfectoire des moines de l'abbaye. Divers autant qu'exigeant, le programme affichait quatre œuvres dont trois créations mondiales et une création française, celle du maître des lieux Brian Ferneyough qui, depuis plus de vingt ans, vient chaque année encadrer la session de composition installée dans les murs de l'abbaye.

C'est d'ailleurs avec l'œuvre d'un ancien stagiaire, , que débutait le concert. Sérieux Gravats – Nara II au titre énigmatique – doit-on y entendre des résonances asiatiques? – est une pièce à l'écriture très inventive sollicitant de nombreux modes de jeux de la part des six instrumentistes : sonorités insolites, marquèterie de timbres où le silence participe de la dramaturgie, petits mouvements rotatoires aux réminiscences pessoniennes – Aurélien sort de la classe de – l'œuvre sonne avec élégance et raffinement. Des concepts qui échappent totalement à l'œuvre de l'australienne  ; Buwayak est un mot aborigène qui signifie Invisibilité, terme choisi par le plasticien Wanyubi Marika pour pointer les objectifs du mouvement «Bark painting» (peinture sur écorce d'arbre) que l'on pourrait formuler ainsi : masquer l'apparence pour aller vers l'essence spirituelle. Quête improbable, presque effrontée dans la recherche sonore, Buwayak fait appel à des moyens insolites, un archet «préparé» pour éviter toute vibration, des sourdines de fortune tel un CD sur le pavillon de la trompette… La composition n'est pas dénuée de force de conviction mais ne manque pas de susciter l'interrogation!

Organiste (cf notre article du 3-IX) et compositeur, est également un habitué des lieux. Finito ogni gesto est un hommage à Edoardo Sanguinetti (décédé brutalement en mai 2010) et met en résonance une première œuvre citant les mots du poète Ogni gesto d'amore pour violoncelle et orchestre. Confiant aux instrumentistes une variété d'appeaux comme il aime souvent le faire, Filidei construit un univers sonore poétique et coloré en jouant ici sur les oppositions : de l'effleurement aux détonations (le percussionniste fait éclater deux ballons de baudruche), la forme décrit une grande arche achevant sa course sur un froissement d'aile très réussi (la tourne des pages de partition en tant que phénomène sonore!) : autant de détails nourrissant l'inventivité et la sensibilité de ce musicien atypique.

La seconde partie de concert était toute entière consacrée à l'œuvre d'envergure donnée en création française de , Chronos Aion. Ce tenant de «la nouvelle complexité» dont l'écriture reste ô combien exigeante et fouillée signe là un chef d'œuvre qui laisse l'auditeur en alerte durant les 28'd'une musique éminemment bien conduite, entretenant une dialectique fascinante du fixe et du mobile. Son questionnement sur le temps – il s'agit dit-il, de donner «l'idée d'un temps tactile, un temps appréhendé par l'individu dans sa qualité sensorielle» – l'amène à concevoir une partition d'une richesse sonore inouïe où complexité n'est pas synonyme de perception confuse mais de foisonnement spectaculaire où chaque détail d'écriture trouve sa nécessité sonore au sein d'un univers rythmé par de grandes respirations. A la tête d'un groupe de musiciens irréprochables, en était le maître d'œuvre exemplaire !

Crédit photographique : © Mathieu Sautel

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