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Les Noces de Figaro à Munich

Les débuts de saison sont toujours difficiles pour les maisons d'opéra. Pour tenter de convaincre le public de revenir plus tôt dans ses murs, l'Opéra de Bavière a donc décidé de faire des deux premières semaines de sa nouvelle saison un mini-festival à partir des productions de son répertoire.

En ce 3 octobre, à la fois 20e anniversaire de la réunification et dernier jour de la Fête de la Bière, l'objectif commercial est très partiellement atteint : pour ces Noces de Figaro distribuées en bonne partie dans la troupe de l'Opéra de Munich, de nombreuses places restent vides.

Les Noces de Figaromises en scène par , homme fort du théâtre à Munich depuis plusieurs décennies, ne sont sans aucun doute pas de toute première fraîcheur. Ce qui en reste n'est pas si négligeable : la boîte perspective d'un blanc éclatant conçue par découpe les silhouettes, réduisant les personnages à leur émotion première, à la nudité de leurs désirs. Le spectacle est animé par bon nombre de jeux de scène qui ne manquent pas leur effet auprès du public qui rit souvent, grâce à l'engagement des chanteurs ; outre des costumes qui empâteraient moins les acteurs, il n'y manque sans doute qu'un peu de répétitions pour que cette bonne volonté aboutisse à un spectacle fluide où les moments de vie théâtrale ne soient pas percés de moments de vide.

Avant la représentation, l'annonce que était souffrant a fait bondir la salle, vite rassurée par le fait qu'il assumait tout de même la représentation. On en aura été quitte pour quelques entrées hasardeuses et un timbre un peu moins séduisant que d'habitude : pour le reste, on retrouve le merveilleux diseur qu'on connaît, et un interprète engagé. À ses côtés , encore trop timide Fiordiligi dans le Così fan tutte mis en scène par Patrice Chéreau à Aix et Paris, a gagné de l'assurance et sa voix est désormais plus solide, mieux projetée, mieux contrôlée, même s'il reste du travail pour unifier l'émission ou varier l'expression.

Leurs partenaires sont également pleins de promesses, mais peinent à trouver leurs marques dans le contexte d'une telle représentation de routine. C'est particulièrement le cas de Tara Erraught, Chérubin au timbre acide qui peine à s'imposer. , à peine entrée dans la troupe, se voit confier contrairement à l'habitude de la maison une série de grands rôles, de cette Susanna à la Juliette de Bellini en passant par Zerlina ou Pamina : les débuts ne manquent pas d'intérêt, mais le chemin est encore long, et l'inspiration n'est présente que par moments. Heureusement, le Figaro solide de Matthew Rose tente avec un certain succès d'animer la scène ; mais le meilleur compromis entre la qualité vocale et l'implication dans le spectacle viennent de membres de la troupe, Ulrich Reß en Basilio et surtout la Marcellina spirituelle de Heike Grötzinger, dont le personnage touche parce qu'il en est au point précis où on sent que la jeunesse est définitivement perdue : voilà une Marcelline qui aurait justifié qu'on rétablît son air.

On pouvait attendre beaucoup du chef , qui s'était fait connaître par un remarquable Enlèvement au Sérail à Amsterdam (disponible en DVD). On ne sait ce qui s'est passé, mais ces Noces sont une cruelle déception : toute vie en a fui, le tempo est généralement très lent, sauf le premier air de Chérubin inutilement rapide, et on guette désespérément le peu de couleurs qui sort de la fosse. À qui la faute ? On se gardera bien d'essayer de répondre, mais on reste interloqué de constater à quel point la bonne idée qu'était l'engagement de ce jeune chef de grand talent est tombée à plat. Peut-être les représentations de Don Giovanni qu'il assurera en fin de saison seront-elles l'occasion de rattraper l'occasion perdue.

Crédit photographique : © Wilfried Hölzl/Staatsoper de Munich

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