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Hommage éblouissant à Jeanne Demessieux


Nous avons redécouvert récemment grâce à un magnifique CD Liszt, paru également aux éditions Solstice, l'immense talent de . Par le passé, cet interprète nous avait charmé grâce à une série de microsillons restés célèbres auprès des amateurs d'orgue, consacrée entre autres, à Vierne et à Widor, et enregistrée à l'orgue de Saint-Ouen de Rouen, ainsi qu'à Saint-Sernin de Toulouse. Par chance cet artiste fut l'élève de , grande musicienne fauchée par la maladie dans sa quarante-huitième année. Native de Montpellier, elle «monta» encore toute jeune à Paris pour gravir tous les échelons de la gloire, élève de Marcel Dupré, elle termina sa courte carrière au grand orgue de l'église de la Madeleine, sur lequel elle nous laisse une intégrale Franck (1959), qui reste encore aujourd'hui une référence absolue (Festivo).

Il y a peu de temps, deux intégrales de la musique pour orgue de ont été publiées, jouées tout à tour par Maxime Patel (Fugatto), et par Stephen Tharp (Aeolus). Tous deux ont apporté une très belle approche de ces textes revisités à leur manière, nous permettant d'appréhender pleinement les qualités de compositrice de . Avec , dont il faut rappeler ses liens avec la compositrice, l'approche est toute autre. Il y a là quelque chose de viscéral : on ressent une filiation spirituelle intense, l'interprétation est fiévreuse, émouvante au possible. Le «Live» à Notre-Dame y contribue en grande partie, sur cet orgue qu'elle admirait par dessus tout, et qui sans doute devait représenter pour elle un certain idéal sonore, dans la lignée de ces grands Cavaillé-Coll qu'elle affectionnait particulièrement. Enregistré par le passé à Angoulême par , les Six études op. 5 ici captées lors des concerts du dimanche après midi, se révèlent bien supérieures dans leur approche : l'inspiration fait ici de ces redoutables études, de véritables bijoux, merveilleux microcosmes ou chaque ligne est chantée et portée à son plus haut point. L'interprétation de Pierre Labric est ici exceptionnelle ! Rien que cela vaut déjà largement le disque. Par la suite nous retrouvons quelques pièces plus connus dont la fameux Te Deum op. 11, qui reste l'un de ses chef d'œuvre, le disque se terminant par une pièce hommage de l'élève à son maître.

Capté avec grand soin, l'orgue de Notre-Dame sonne ici tel que l'on pouvait l'entendre juste après la restauration de Boisseau et l'arrivée des fameuses chamades (1968), tant attendues et voulues par Pierre Cochereau.

Nous ne remercierons jamais assez Yvette et François Carbou de nous livrer quelques pans de leurs archives de l'orgue de Notre Dame, religieusement captées pendant tant d'années, mine inépuisable de trésors en tous genre. Pour l'heure, c'est sans nul doute le disque le plus passionnant et le plus authentique, consacré à l'une des plus grandes organistes du XXe siècle, sous les doigts de celui qui fut son plus fidèle disciple, et qui porte en lui toute l'âme de cette musique, moderne, audacieuse, et tournée vers l'avenir.

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