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Roaratorio, un chef d’œuvre de Merce Cunningham enfin remonté !

Jamais montrée à Paris, cette pièce d'une formidable vitalité est un hommage au Finnegans Wake de James Joyce.

On n'aurait pas cru à ce point capable de premier degré ! C'est sur des danses populaires irlandaises que s'ouvre Roaratorio, créé en octobre 1983 au Colisée de Roubaix dans le cadre du Festival de Lille et donnée deux ans plus tard dans la Cour d'honneur du Palais des Papes, à Avignon. La transposition des techniques de petite batterie, de coupés, de jetés et de sauts typiques de la danse irlandaise dans l'écriture chorégraphique de Merce Cunnigham est étonnamment juste et naturelle. Colorée et enjouée, la pièce enchaîne sur un même registre les séquences dansées, tandis que la bande son propose une lecture du Finnegans Wake de James Joyce, utilisant l'enregistrement des 2462 lieux cités dans le livre. Bruits d'eau, de basse-cour, pleurs de bébés, cloches, grand orgue, rumeur de la rue, tous ces sons familiers et quotidiens forment un oratorio sensible et concret. A noter, la spatialisation du son est particulièrement réussie, alors que le Théâtre de la Ville n'est pas l'IRCAM !

La compagnie, d'un très haut niveau technique, offre son meilleur dans cette recréation pour le festival Montpellier Danse, le Music Center – Performing Arts Center de Los Angeles, le festival d'Automne et le Théâtre de la Ville. Remontée par Patricia Lent et , cette production a bénéficié de nombreux financements pour revoir le jour sur scène. Il eût été dommage de s'en priver, car cette pièce donne de – décédé en 2009 – une vision plus lumineuse et gaie que certaines de ses autres pièces, plus abstraites et austères. Par un jeu de guêtres et de tee-shirts colorés, les costumes changent imperceptiblement tout au long du spectacle, renforçant l'impression de contraste et de dynamisme.

Pour plus de véracité à l'occasion de cette recréation, les maîtres de ballet ont même veillé à ce que le « rôle » tenu par à la création soit reprise par un danseur plus âgé, , qui fut l'un des interprètes de 1983. Dans ce long solo, le mimétisme est parfait – on croit le revoir sur scène, l'arthrite en moins. Pour le reste, la compagnie ne se prive de rien : de l'ampleur, des grands jetés, des équilibres, des développés à la seconde, des tours en l'air, des attitudes… Elle nous offre une heure de danse pleine et entière, joyeuse et jubilatoire.

Crédit photographique : © Anna Finke. Roaratorio (1983), Merce Cunningham Dance Company, Première en juin 2010 de la recréation au Music Center-Walt Disney Concert Hall

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