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Roberto Devereux de Donizetti : Être ou ne pas être ?

On ne peut tenir rigueur au directeur de l'Opéra de Montréal, Michel Beaulac, de sortir des sentiers battus et de proposer parallèlement aux œuvres de répertoire, quelque opéra jugé obscur ou du moins, peu joué. On se doit de souligner une telle initiative et d'applaudir le coup d'audace.

Le choix d'une rareté de Donizetti que représente Roberto Devereux fût pour les mélomanes montréalais l'occasion d'une découverte. Rappelons que l'opéra est le troisième volet où apparaît la reine Elisabeth Ière d'Angleterre (avec Elisabetta al castello de Kenilworth et Maria Stuarda). L'œuvre n'est pas inintéressante et l'écriture requiert la virtuosité des protagonistes, – il est vrai que nous connaissons des opéras mieux inspirés du maître de Bergame – mais la musique parvient souvent à se hisser à une intensité dramatique insoupçonnée.

Dans cette production, qui nous vient du Minnesota Opera, tout repose sur les épaules de la prima donna, Dimitria Theodossiou. Elle campe une habile Elisabeth Ière, femme fière, outragée par son amant, écartelée entre son devoir d'état et sa passion amoureuse. Elle incarne un personnage aux multiples facettes et en dépit du titre, elle est le centre d'intérêt de l'opéra. La voix de soprano est souveraine sans être fascinante pour autant. Son air d'entrée, suivi du duo avec Robert, relève du grand art et d'une hygiène vocale à toutes épreuves. La voix est forte, quelque peu métallique, avec des aigus parfois stridents. Mais la fatigue ne semble pas avoir de prise sur le caractère d'une batteuse et elle mène à bon port un rôle aussi long qu'écrasant. Enfin, c'est davantage l'apport scénique de la soprano grecque qu'il faut retenir et son air final «Vivi, ingrato», est particulièrement réussi, suivi de la scène finale d'une intensité dramatique et émotionnelle. Elle souligne habilement les contrastes d'une femme passionnément amoureuse et les devoirs d'état qui incombent à une reine. C'est elle qui, à l'instar d'Hamlet, doit se poser la célébrissime question : «être ou ne pas être» une reine ?

Le ténor Alexey Dolgov, voix noble, raffinée, a le physique du rôle. Jeune, belle présence sur scène, il se joue des intrigues qu'il suscite jusqu'au moment irréversible du châtiment. La voix est impressionnante et retenons la scène de prison et le duo avec Sarah. La mezzo-soprano Elizabeth Vatton déçoit par une voix qui manque d'ampleur. Elle a quelque peu de difficulté à camper le personnage crédible de l'amante de Roberto et de la rivale de la reine. Les autres rôles sont bien tenus, particulièrement la basse Taras Kulisch en Sir Walter Raleigh.

Le spectacle est visuellement intéressant, d'une esthétique soignée. La mise en scène de Kevin Newbury se concentre davantage sur le jeu des acteurs, particulièrement les deux protagonistes. Les costumes chatoyants de Jessica Jahn, rappelle l'époque où se déroule le drame et les décors austères de Neil Patel complètent habilement le drame. Enfin, soulignons la performance des chœurs de l'Opéra de Montréal, particulièrement au début du deuxième acte.

On sent d'emblée implication du chef d'orchestre , très attentif aux chanteurs, et tout autant par l'opéra de Donizetti.

Crédit photographique : (Elisabeth Ière) & (Robert Devereux) © Yves Renaud

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