- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Furtwängler et Toscanini honorent Schumann parmi d’autres

Le label japonais Opus Kura publie deux disques dont le dénominateur commun est une symphonie de Schumann, honorant ainsi le bicentenaire de la naissance du grand compositeur allemand.

Il s'agit en outre d'enregistrements historiques glorifiant l'art de deux des plus grands chefs de la première moitié du XXe siècle : (1886-1954) et (1867-1957), deux musiciens dont on a souvent souligné les différentes conceptions de l'interprétation musicale.

L'excellence des transferts en CD mérite une attention toute particulière, malgré l'existence des éditions «officielles» plus ou moins disponible de ces gravures.

A priori réunir sur un même CD une symphonie de Schumann et de Tchaïkovski peut sembler osé. Or, il n'en est rien car on sait l'admiration portée par le compositeur russe à son collègue allemand : c'est dans les pièces pour piano seul de Tchaïkovski que les affinités de ce dernier vis-à-vis de l'autre sont les plus évidentes.

La Symphonie n° 4 de Schumann dans cette merveilleuse interprétation légendaire de Furtwängler fut captée sur bande magnétique par Deutsche Grammophon le 14 mai 1953, et le directeur artistique voulut exploiter les possibilités du nouveau support en exigeant de multiples prises de la part du grand chef allemand. Or on sait depuis toujours que la conception artistique de ce dernier prônant la continuité de l'interprétation était en totale contradiction avec le saucissonnage qu'on voulait lui imposer : pour Furtwängler, la bande magnétique devait au contraire enfin le libérer du morcellement intempestif et inévitable imposé par le 78 tours. C'est ce qu'il exigea et obtint sous forme d'ultimatum de la célèbre firme allemande : une seule prise pour toute la symphonie sinon rien ; ce qui lui fut accordé et donne à l'œuvre ce caractère si intense et unique du «live», exprimant comme rarement sa force dramatique et même, dans le Finale, son aspect foncièrement dionysiaque.

C'est aussi l'aspect dramatique qui a dû séduire Furtwängler dans cette Symphonie n° 4 de Tchaikovsky, compositeur qu'il n'a par ailleurs pas souvent enregistré. L'exécution en est extrêmement sérieuse et contrôlée, gommant autant que possible la vulgarité inhérente à certains passages, et donnant à l'ensemble un caractère noble plutôt inaccoutumé : la conception de Furtwängler est à mille lieues des effets extérieurs et de la sentimentalité, et pour toutes ces raisons, elle nous paraît parfaitement cohérente et recommandable, surtout dans la qualité sonore qui nous est proposée ici.

Ce programme un peu disparate nous permet de revivre quelques instants, dans les meilleures conditions techniques possibles offertes par ce CD, l'art incomparable du célèbre maestro italien.

Les idées reçues de tempi rapides chez l'illustre chef italien trouveront leur démenti dans cette Symphonie n° 3 « Rhénane » de Schumann : les premier et dernier mouvements sont pris dans un tempo plus modéré que ceux de la plupart des exécutions habituelles, et Toscanini sait idéalement concilier l'esprit romantique de l'œuvre et ses aspects classiques, sachant faire chanter ses instrumentistes avec souplesse et chaleur, dans le plus pur esprit schumannien. On tiendra compte qu'il s'agit d'un enregistrement radio en public, avec les quelques imperfections que cela entraîne.

La suite n° 2 de Daphnis et Chloé de Ravel est exécutée ici sans le chœur, mais de manière vraiment somptueuse et impressionnante, et pour les mélomanes non désireux du ballet intégral, cette interprétation est également très recommandable, même si l'incomparable allait bientôt la supplanter dès sa première version (mono) de juin 1953.

On sait que Les Fontaines de Rome et Les Pins de Rome de Respighi ont trouvé en Toscanini leur idéal interprète, même si les versions plus récentes apportent une plus-value sonore indéniable. C'est également le cas de ces Fêtes Romaines (1926) dont il convient de rappeler que Toscanini fut le créateur au Carnegie Hall en 1929. Ce n'est peut-être pas sans raison que ce troisième volet romain soit moins connu – car peut-être moins réussi – que les deux premiers : si précisément dans Les Fontaines et Les Pins, on peut parfois déceler une influence ravélienne, il est difficile de trouver cette influence dans ces Fêtes Romaines. Toutefois l'orchestration, rutilante et virtuose comme souvent chez Respighi, en est très habile, et Toscanini excelle évidemment à la mettre en valeur, y compris les moments pittoresques comme cette discrète et tendre sérénade jouée à la mandoline puis au violon solo dans la troisième partie L'Ottobrata (La fête d'octobre). Et pour terminer, la quatrième partie La Befana (L'Épiphanie) met un point final à cet excellent CD en une apothéose étourdissante quelque peu bruyante. L'enregistrement de ces Feste Romane, plus ancien que ceux des deux autres poèmes symphoniques du triptyque romain, est parfaitement restauré à partir d'un excellent microsillon His Master's Voice.

(Visited 502 times, 1 visits today)