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Festival d’Automne : Voi/x/es multiples

C'est un programme éclectique brassant des pensées et des orientations très diverses que nous proposait le Festival d'Automne en invitant deux formations des plus prestigieuses dans le champ de la création d'aujourd'hui.

, à la tête de l'excellent , occupait le devant de la scène avec quatre pièces a capella projetant autant d'univers singuliers : celui du compositeur suisse , d'abord, ce musicien accompli (il est aussi hautboïste et chef d'orchestre émérite) dont le cheminement très personnel est toujours garant d'originalité et d'authenticité. Rosa Loui est un ensemble de quatre Lieder en dix versions sur des poèmes en dialecte bernois du poète et théologien Kurt Mary. Focalisé sur cette langue «qui donne presque de la musique», Holliger élabore des formes extrêmement brèves, sorte de morphologies sonores et colorées dont l'agencement est laissé à l'appréciation du chef. La ductilité des voix de l'Ensemble de Stuttgart et la direction exemplaire de confèrent à cette curieuse constellation sonore son charme et sa sensualité.

D'un univers, l'autre : celui de avec ¿ Dónde estás hermano ? («Où es-tu, frère?»), un questionnement en espagnol à l'adresse des disparus de la junte du général Videla en Argentine. Quatre voix de femmes sont ici sollicitées et «traitées» comme on le dit de la musique de studio : voix droites, déshumanisées telles des sources électroniques et tendues à l'extrême : sorte de faisceaux de sonorités intermittentes et «aveuglantes» réitérant les seuls mots du titre dans un temps figé et saisissant.

Le cri est plus incarné, presque viscéral chez  : son diptyque Ploratus et Exhortatio – titré Tempus destruendi – Tempus aedificandi – écrit sur les vers latins de Paulin d'Aquilée et de Dermatus s'attache aux destinées de la ville de Jerusalem. L'écriture dense et exigeante sollicite bon nombre d'interventions solistes et met véritablement le chœur au défi.

Ce discours houleux d'une violence contenue s'opposait radicalement au rite purificateur du Halai courte page très zen de la compositrice japonaise qui préludait à la création française de Musubi («le lien»). L'œuvre est conçue pour quatre groupes vocaux répartis dans tout l'espace scénique et confrontant des énergies et des timbres très spécifiques pour viser un point d'équilibre à la faveur d'»un lien» qui doit rester caché : étonnant, ce ténor aigu, «non masculin» (que l'on rencontre dans certaines musiques de tradition bouddhiste) qui chante en fond scène au côté d'une voix d'alto de même registre. On se laisse embarquer dans ce cérémonial parfaitement réglé que viennent rythmer le tam et le shôgo (petit gong clair).

Le venait in fine défendre avec sa foi communicative et l'hypersensibilité de ses archets la création française du quatuor de , un compositeur milanais mis à l'honneur cette année par le Festival d'Automne. L'heure était déjà tardive pour apprécier, durant les vingt-quatre minutes de Muri IIIb pour Federico De Leonardis, les infimes fluctuations d'une écriture toujours à la marge de l'audible qui, dans un temps très long, achevait cette soirée aventureuse autant que dépaysante.

Crédit photographique : © Yoko Miwa, Yomiuri Shimbun

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