- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Hommage à Mirella Freni

C'est à la de la maturité que ce beau coffret rend hommage.

Le premier DVD est en effet essentiellement consacré aux activités de pédagogue de la cantatrice, aujourd'hui retirée dans sa ville natale de Modène où elle passe une grande partie de son temps à enseigner dans l'école de chant qu'elle a contribué à créer, au cœur même de l'hôpital où elle vit le jour… Si le film projette une personnalité on ne peut plus sympathique et attachante, tout à fait étonnante dans sa simplicité, on aurait souhaité en savoir un peu plus sur les différentes étapes de la carrière, en tout point exemplaire, de la diva. Il est d'ailleurs étonnant, pour une chanteuse qui, en raison de son ravissant physique, a de tout temps été gâtée par la caméra, que ce documentaire soit si pauvre en images d'archive : même les nombreux films réalisés par Karajan – Carmen, La bohème, Otello, sans compter Les Noces de Figaro de Böhm et Ponnelle – auraient permis de se faire une idée de l'évolution artistique de la diva. On se reportera donc, pour l'entendre et la voir jouer, sur les deux captations d'opéras intégraux qui complètent le reportage.

L'enregistrement de La bohème, réalisé à San Francisco en 1988, date de plus d'un quart de siècle après les débuts de Freni dans le rôle. Il ne s'agit donc plus d'une Mimi aussi fraîche que dans le film autrefois réalisé en studio aux côtés du ténor , mais la chanteuse impressionne toujours par son art du chant, à peine gâché par sa tendance – assez caractéristique à ce stade de sa carrière – aux graves poitrinés, aux larges portamenti et aux sanglots intempestifs. À ses côtés, fait valoir comme à l'accoutumée son sourire carnassier et ses aigus ravageurs, et il se révèle bien moins piètre acteur que d'habitude… Si Nicolai Ghiaurov – à l'époque l'époux de la Freni à la ville – est un Colline fatigué, si Eva Pacetti est une Musette routinière mais acceptable, Gino Quilico est un Marcello bien chantant et plein d'allure de même que Stephen Dickson – un chanteur qui semble ne pas avoir tenu ses promesses – se révèle un excellent Shaunard. Autre star sur le plateau, le vétéran Italo Tajo, grande vedette en Italie et aux États-Unis dans les années 1940, 1950, etc., excellent acteur tout à fait impayable dans les deux rôles de Benoît et d'Alcindoro. La mise en scène et la direction restent classiques et conventionnelles, en toute conformité avec la politique artistique menée par l'Opéra de San Francisco dans les années 1980, essentiellement basée sur le star-system.

Ce ne sont certes pas les stars qui font défaut à la production milanaise de Fedora, laquelle demeure d'un tout autre niveau artistique. On aurait pu, a priori, rester sceptique devant l'invraisemblable mélo de ce livret, ou encore devant ce qui, trop souvent, passe pour un torrent de sirop musical duquel émergent de temps à autres d'intéressantes trouvailles. Dans cette production, tous les interprètes forcent l'admiration par leur engagement sans faille, ainsi que par leur capacité à faire croire à leurs personnages. Autant qu'Adelina Scarabelli demeurent irréprochables en comtesse Olga et en De Siriex, et les nombreux petits rôles sont tout aussi satisfaisants. Dans les personnages de Fedora et de Loris, Freni et Domingo trouvent tous deux une partie en parfaite adéquation avec leurs moyens du moment. Le ténor hispano-mexicain parvient ainsi à maîtriser parfaitement, pour une fois, sa tessiture, et dans un rôle qui appelle moins la comparaison, Freni fait bon usage de ses désormais habituels sanglots et portamenti. La voix reste d'une beauté royale, et la chanteuse sait quand il le faut déployer sa messa di voce ainsi que d'ineffables pianissimi. L'investissement dramatique est total, et rend pleinement justice à une mise en scène esthétisante et d'une rare élégance visuelle, de toute évidence créée sur mesure pour la diva. C'est jusque par sa beauté physique, véritablement incandescente, que cette cantatrice de 58 ans brûle les planches. Au pupitre, Gianandrea Gavazzeni, alors âgé de 84 ans, fait la démonstration de ce que le mot «maestro» veut dire. Sa totale maîtrise de la partition remporte l'adhésion dès les premières mesures, et le public de La Scala ne s'y trompe pas en réservant à ce chef d'orchestre un des plus beaux triomphes de sa carrière.

Si La bohème de 1988 reste routinière, en dépit de ses fastes vocaux, on n'hésitera pas, à propos de Fedora, à utiliser le terme «historique», tant cette reprise corrige toutes les idées préconçues que l'on aurait pu préalablement avoir sur un ouvrage injustement méprisé.

(Visited 418 times, 1 visits today)