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My Fair Lady pour la première fois à Paris, en couleur sépia

et signent une production élégante et vive de la comédie musicale inspirée d'une pièce de George Bernard Shaw, Pygmalion.

Jamais montée à Paris dans sa version originale, My Fair Lady bénéficie d'une production très luxueuse qui situe l'action dans les années 1930, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Cette prise de liberté du metteur en scène ne change rien aux enjeux de la pièce, la haute société anglaise étant alors à son apogée, mais permet au costumier, Tim Hatley (qui fut l'assistant de Cecil Beaton), de proposer des silhouettes féminines plus seyantes que les tournures et les poufs des années 1910.

Le décor s'inspire en revanche à la lettre des indications scéniques de la production originale (créée le 15 mars 1956 au Mark Hellinger Theatre de New-York par Moss Hart), restituant les différents lieux où se déroulent l'action : le marché de Covent Garden où Eliza Doolittle vend ses fleurs, la maison et la rue du professeur Higgins qui se chargera de la transformer en lady en six mois, le champ de courses d'Ascot où elle fera sa première apparition publique, la salle du bal des ambassadeurs, qui verra son triomphe éclater et enfin, la maison de Mme Higgins. D'une grande élégance, rythmés par les colonnes néoclassiques du Royal Opera House ou des façades londoniennes, ces décors sont baignés tout le long du spectacle d'une lumière dorée. Celle-ci donne parfois à certaines scènes une couleur sépia, comme en raffolent les amateurs de spectacles nostalgiques.

Nostalgique, pourtant, la mise en scène l'est pas. Précise, elle offre une belle fluidité, accentuée par des changements de tableaux rapides et astucieux. s'est, semble-t-il, beaucoup inspiré de la production originale, certes, mais surtout des indications de Georges Cukor à ses interprètes du film de 1964. Dans certaines scènes, Sarah Gabriel et Alex Jennings ont les mêmes intonations, la même gestuelle qu'Audrey Hepburn et Rex Harrison. Il faut dire que le rythme de ce (long) spectacle de 2h44 est implacable et ne laisse aucun répit aux interprètes, alternant scènes de théâtre extraites de la pièce de George Bernard Shaw et chansons de toute sorte aux tonalités variées.

Cette exigence a sans doute guidé les producteurs dans leur casting, car il faut être aussi bon acteur que chanteur pour tenir la distance. C'est le cas d'Alex Jennings, un très grand comédien anglais, qui occupe avec brio le rôle du professeur Higgins. Assurance, voix claire, diction précise, il mène le bal de bout en bout. Sa partenaire, la soprano Sarah Gabriel, est une chanteuse avant d'être une comédienne. Après un démarrage un peu confus dans la scène d'ouverture à Covent Garden, elle trouve vite ses marques et se mue avec aisance d'une vendeuse de fleurs en lady. Son talent éclate tout particulièrement dans les chansons « I could have danced all night », « Show me » ou « Without you ».

A leurs côtés, citons côté théâtre les deux dames de la soirée, Margaret Tyzack, brillante et spirituelle dans le rôle de la mère du professeur Higgins et Jenny Galloway, qui incarne avec bienveillance la fidèle gouvernante du professeur, malgré un embonpoint un peu forcé par le costumier. Côté chant, on retiendra surtout « On the street where you live » chanté avec grâce par , jeune ténor britannique fidèle des Arts Florissants et, dans un genre très différent, le baryton Donald Maxwell, qui joue le rôle difficile du père d'Eliza.

Dans la fosse, l', dirigé par Kevin Farrell, rend justice à la musique de Frederick Lœwe, en appuyant toutefois un peu trop sur les passages sirupeux de la partition, donnant à l'ensemble une tonalité de musique de dancing. Le chœur du Châtelet, qui progresse de production en production, rend de multiples services à la mise en scène, assurant les scènes de groupe avec dynamisme, efficacité et bonne humeur, ce qui suscite l'enthousiasme du public, parfois tenté de se reposer d'une lecture exigeante des sous-titres. My Fair Lady demande, en effet, un bon niveau d'anglais pour apprécier les jeux de mots et les nuances linguistiques et phonétiques qui font le sel de cette pièce. L'avantage, c'est qu'on en ressort à la fois comblé et plus intelligent !

Crédit photographique : Sarah Gabriel (Eliza Doolittle) © Marie-Noëlle Robert – Théâtre du Châtelet

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