- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Juan Diego Flórez, du sirop, et quelques pièces de résistance !

Les lois du marketing étant ce qu'elles sont, tout grand chanteur digne de ce nom se doit, au moins une fois dans sa carrière, de se livrer à ce redoutable exercice de style qui consiste à rassembler au sein d'un même programme un certain nombre d'airs dits «sacrés». Parfois conçues exclusivement autour de chants de Noël, parfois présentées comme une compilation plus ou moins habile de pièces d'église et de divers chants et mélodies populaires, ces réalisations sont souvent dépendantes pour leur valeur artistique autant de la pertinence des choix de répertoire opérés que de la qualité – extrêmement variable – des accompagnements orchestraux.

Si parvient à limiter les dégâts, c'est davantage par le premier de ces critères que par le second. On aura rarement entendu l'Ave Maria de Schubert – qui d'ailleurs n'en est pas un… – sur un fond sonore plus sirupeux, et on rangera dans le même sac le Panis Angelicus de Franck, donné dans le vilain d'arrangement d'Alan Boustead, ainsi qu'Adestes Fideles et Minuit chrétien, chantés tour à tour, sans doute pour satisfaire tous les publics, dans diverses langues…

En revanche, ce CD nous donne aussi l'occasion d'entendre Flórez dans des répertoires peu pratiqués jusqu'alors, et dans lesquels il se montre tout à fait à son avantage. Ainsi, les extraits du Messie et de La Création ont beau révéler un anglais et un allemand peu idiomatiques – pas plus, d'ailleurs, que le français de Minuit chrétien –, on aura rarement entendu dans ces pages une si belle ligne de chant associée à une telle santé vocale.

Et dans les quatre pages de Bellini et de Rossini, extraites d'ouvrages trop rarement donnés, Flórez est évidemment suprême, autant dans sa maîtrise du souffle et des vocalises que dans sa parfaite élégance stylistique. Que ne s'est-il restreint à ce répertoire, dans lequel il est aujourd'hui sans égal et sans doute, devrait-on dire, sans précédent…

Deux curiosités fort sympathiques permettent également de faire découvrir la part plus intime de l'artiste, réellement touchant dans l'extrait de la Misa Criolla de Ramírez ainsi que dans sa propre composition sur un texte visiblement chanté en quechua. Espérons que Decca aura bientôt le courage, lorsque les recettes de ce produit essentiellement commercial seront engrangées, d'enregistrer et de diffuser le CD de mélodies péruviennes avec piano que les admirateurs de Juan Diego attendent depuis si longtemps.

(Visited 145 times, 1 visits today)