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Coup d’envoi de la résidence Lazkano par l’Ensemble 2e2m

L'envol : voilà un thème particulièrement porteur pour initier la résidence du compositeur Ramon Lazkano que et l' mettent à l'affiche de leur saison 2010-2011. Ce premier concert consacré au compositeur basque donnait à entendre le cycle Egan-1, Egan-2, Egan-3 (Egan signifie voler) issu de la collection du Laboratoire des Craies qui occupe Lazkano depuis 2001. Le titre (Igelstœn Laborategia) est d'abord un hommage rendu au sculpteur basque Jorge Oteiza qui préférait le laboratoire expérimental au musée et dont on peut voir aujourd'hui quelques 1650 sculptures et 2000 pièces dans sa fondation basque sur les hauteurs d'Alzuza. C'est aussi, pour Lazkano, le désir d'éprouver la matière sonore dans sa fragilité et sa fugacité au détour de formes brèves qu'il assemble selon son désir. Egan-1, Egan-3, Egan-2, dans l'ordre de leur interprétation au concert, modifient sensiblement le dispositif instrumental – un accordéon et une contrebasse dans Egan-3 – pour faire naître une mosaïque de figures aux contours estompés et aux couleurs effacées – comme ces ciels basques à la lumière diffuse – qui procèdent de variations minimales ou se répètent en boucle de manière obstinée : avec une extrême minutie dans la mise en place – subtil – les interprètes génèrent ces textures frêles et raffinées au caractère poétique et insaisissable qui captent l'écoute dans «le temps allongé de l'éphémère».

Dans Sinuous Voices qui débutait la soirée, le compositeur tchèque entend réécrire la voix humaine (parlée, chantée, déclamée… ) à travers l'écriture instrumentale comme Jonathan Harvey parvient à le faire par le biais de l'électronique dans Speakings. Le modèle d'une prière tchèque récitée en groupe (superbe première partie) et d'une berceuse de Nouvelle-Calédonie «déclamée de manière répétitive et continue comme sur un seul souffle avec la voix cassée d'une vieille dame» (seconde partie) lui fournit le matériau ( grain, spectre et rythme) d'une écriture instrumentale inventive et colorée à travers laquelle passent un souffle et une force émotionnelle très communicative.

Juste après l'entracte, Jean-Claude Enrique et Txomin Ohers nous initiaient aux sons et gestes ancestraux de la terre basque en improvisant sur la txalaparta, simple planche de bois posée sur son support et percutée verticalement par deux bâtons : une pratique qui engage, par la virtuosité sidérante du geste, le corps tout entier et l'esprit par la force envoûtante de ses rythmes.

Le concert se terminait par la création de la nouvelle version d'Action Painting de , un compositeur qui poursuit actuellement son séjour à la Villa Medicis. Le concept d'action traduit en terme de geste musical s'incarne dès le début de l'œuvre dans une cadence spectaculaire du piano – éblouissante Véronique Briel – qui, par excès de matière, d'énergie et de mouvement situe d'emblée l'espace subversif du propos du compositeur. Le même processus est réactivé dans l'écriture instrumentale que Cendo travaille, comme le peintre, par couches denses et compactes. Cette saturation de «l'espace fréquentiel» est portée par l'énergie du geste instrumental jusqu'au paroxysme, moment de tension extrême entretenu par la percussion et deux cymbales collatérales confiées aux instrumentistes à vent. Si d'aventure on n'avait pas les yeux fixés sur le percussionniste en train de se protéger en vue de la décharge ultime, on endurait de plein fouet l'excès de son d'un pétard, décisif et radical !

Crédit photographique : © DR

 

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