- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Anne Teresa De Keersmaeker : Austère et doux En Atendant

, la plus musicologue des chorégraphes, s'intéresse à l'Ars Subtilior, une forme poétique et chantée du XIVe siècle. Recueilli, austère, mais jubilatoire !

La ligne de terre qui borde l'avant-scène est ténue. Rappel de la terre battue du Cloître des Célestins à Avignon, où la pièce a été créée l'été dernier, c'est pourtant l'unique élément de scénographie qui se modifiera au cours du spectacle. Tour à tour les danseurs la foulent, l'écrasent, la dispersant dans un élan jouissif ou pondéré.

Puisant dans l'esprit du XIVe siècle, En Atendant s'articule autour de quelques mélodies de l'Ars Subtilior, une forme poétique et chantée de la fin du Moyen Âge. La musique est rare, comme suspendue, mais suffisamment intense et rémanente pour que chaque séquence dansée qui s'y intercale puise dans le souvenir de la musique la force de son inspiration.

Fougueux, batailleurs, impulsifs, les garçons y déploient une belle énergie. Précises, retenues, attentives, les filles répugnent à user de leur grâce. Quand musique et danseurs se rejoignent dans une frise chatoyante, c'est un moment jubilatoire ! Suivant pas à pas la partition, les lignes se croisent ou se superposent, les corps se posent ou s'épandent.

Comme toujours, les spectacles de grande qualité proposés par demandent une intense attention, une concentration absolue. Ils ne se laissent pas facilement attraper, alors que la danse est immédiatement saisissable, visible. Elle dégage une foisonnante énergie intérieure, une force vitale impérieuse. Habités, soutenus par la musique, les tableaux d'ensemble sont très beaux – complexes, mais lisibles et limpides.

En Atendant fait preuve d'une intelligence subtile du mouvement, et conjugue l'art chorégraphique à l'état pur. Dans les dernières scènes, alors que les éclairages déclinant tentent de retranscrire la tombée de la nuit sur le cloître avignonnais, s'y ajoute une dimension picturale. Les corps presque nus des danseurs réfractent la lumière devenue rare. Une splendeur…

Crédit photographique : © Anne Van Aerschoot

(Visited 128 times, 1 visits today)