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Bartók et Tchaïkovski vus par Barenboim

Lorsqu'il est à la tête de la Staatskapelle de Berlin, peut donner libre cours à son talent de direction : les musiciens suivront. Ils le connaissent bien puisqu'il est leur chef depuis 2000. À vie. De fait, l'osmose entre les instruments et le pupitre est évidente. Loin de rompre cette harmonie, , le soliste de la soirée, témoigne d'une parfaite entente avec Barenboim. Un chef charismatique, un pianiste virtuose qui connaît l'œuvre à fond, un orchestre de rang mondial : toutes les conditions sont donc réunies pour un grand concert.

Le Concerto pour piano n°2 de Bartók est livré dans une version particulièrement expressive et percutante. Bronfam enchaîne les passages bondissants et les «récitatifs» avec une agilité diabolique. Auteur d'un enregistrement de référence des concertos de Bartók (1997), il montre ici une grande profondeur d'interprétation. Littéralement habité, il ne lève quasiment pas le nez du clavier. Son piano est à lui seul un redoutable orchestre de percussions, dont les marteaux sont autant de maillets. Barenboim lui-même semble impressionné. Peut-être est-ce la présence dans son dos de ce magnifique pianiste qui l'incite à tant de retenue et de modestie. Toujours est-il que la Staatskapelle sert superbement Bronfman, se passant très bien d'une direction démonstrative. L'immense travail accompli en amont pour parvenir à tant de répondant est à saluer. Seuls quelques cuivres sont parfois trop sonores, couvrant légèrement le piano. Hormis ce détail, c'est une interprétation extraordinaire que ne renierait pas Bartók, tant elle rend justice à la forme contrapuntique et à l'instrumentation stravinskienne de l'œuvre. Barenboim et Bronfman ne se quitteront pas sans avoir esquissé un morceau d'adieu à quatre mains.

Après la pause, l'orchestre s'attaque à la quatrième Symphonie de Tchaïkovski, peut-être la plus imposante des six. La version de Barenboim est largement à la hauteur du sujet. Suivant les motifs décrits par les quatre mouvements successifs, elle déploie une gigantesque palette de couleurs, le chef de la Staatskapelle réglant l'ardeur de ses musiciens sur les variations de la partition. Avec un doigté savant et une précision infinie, il les excite ou les apaise, sans jamais exagérer les contrastes. En effet, son interprétation repose d'abord sur les nuances. Explorant la singularité de chaque thème, il en fait ressortir les traits saillants avec une rare intelligence du phrasé. De l'ouverture sauvage du premier mouvement par les cuivres à la fanfare du Finale, en passant par la douce exposition du second mouvement au hautbois et les pizzicati endiablés du Scherzo, tout est relevé avec grâce et majesté, sans aucune insistance. Tant de justesse d'âme transporte le public et Barenboim recueille des acclamations enthousiastes.

Vraiment, le chef argentin a bien mérité de Tchaïkovski. C'est d'ailleurs par ce même compositeur qu'il clôt la soirée, en donnant la Valse du Lac des cygnes. Un triomphe !

Crédit photographique : © 2009

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