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Esa-Pekka Salonen à Présences 2011, portrait d’un surdoué

C'est dans le foyer du Théâtre du Châtelet (avec vue sur Notre-Dame !) que se déroulait la seconde journée du mettant cette année à l'honneur le compositeur et chef d'orchestre . L'ensemble strasbourgeois Accroche Note avait imaginé un programme un brin composite autour de quatre pièces de jeunesse du maître finlandais pratiquement toutes données en création française ; elles alternaient avec des œuvres du (de leur) répertoire (Debussy, Ligeti, Berg… ) choisies, semble-t-il, dans la sphère d'influence d'un tout jeune compositeur dont la première manière s'avère fort éloignée des tournures hollywoodiennes de sa récente production.

Ainsi cette première œuvre Yta I (Surface) pour flûte alto qui débutait le concert ; elle inaugure en 1982 un vaste cycle de pièces virtuoses pour instruments solistes engageant un rapport quasi charnel avec le son : une manière de protestation nous dit Salonen – dans le luxueux programme conçu par son compatriote Riesto Nieminen – contre la doctrine post-sérielle dans laquelle il se sent très rapidement à l'étroit. Yta I réclame de la part de l'interprète – Anne-Cécile Cuniot très investie – un engagement physique redoutable. Le compositeur travaille sur le potentiel énergétique du souffle, articulant bruits blancs et sons projetés avec un radicalisme étonnant. La flûtiste revenait sur scène pour jouer l'inaltérable Syrinx de Debussy que précédaient trois Lieder sur des textes de Sándor Weöres de . Chantées par , ces miniatures sur le ton populaire roumain (1946-47) sont animées d'une verve déjà toute ligetienne.

Prototype de l'œuvre sérielle dodécaphonique, Nachtlieder pour clarinette et piano, superbement interprété par et Michèle Renoul, est écrit en 1977, l'année même où Esa-Peka Salonen, encore étudiant, fonde avec Magnus Lindberg, Kaija Saariaho et d'autres compagnons de route finlandais l'association «Korvat auki» (Ouvrez vos oreilles!). Cette œuvre très (trop) bergienne, avec ses titres en allemand et son extrême concision, n'est rien moins qu'étonnante et convaincante sous la plume d'un musicien d'à peine 20 ans. D' lui-même nous entendions ensuite deux versions de Schlisse mir die Augen beide (1901 et 1925), une manière de mesurer la distance prise par le viennois entre «la romance» sentimentale encore romantique et le Lied expressionniste dont mettait en relief la radicalité et la couleur de la ligne vocale.

La chanteuse revenait avec une paire de cymbales antiques dans les mains en compagnie de Christophe Beau (violoncelle) et (clarinette basse) pour interpréter Chu écrit par en hommage au peuple tibétain opprimé dans son pays. Avec ce ton rude et sombre qui confine à la transe – quelque peu démonstrative – l'œuvre du britannique s'engage dans la voie de la spiritualité dont procède également son opéra Wagner's Dream.

Yta IIb que l'on entendait sous les doigts de Michel Renoul, est la version pour clavecin de Yta II (1985) écrit pour piano : un exercice digital toute en finesse, relevé d'un brin d'humour, qui investit tous les registres du clavier tel un frémissement sonore.

Après les 3 Pièces pour clarinette (la et sib), petite merveille concise autant que redoutable de Stravinsky qu' interprétait avec une belle vitalité sonore, nous entendions enfin Meeting pour clarinette et clavecin de 1982, autre trouvaille sonore d'un compositeur assurément très inspiré qui allait alors s'engager plus résolument dans sa carrière de chef d'orchestre.

Crédit photographique : © Gary Friedman

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