- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Berezovsky joue Brahms

signe chez Mirare un disque Brahms tout à fait exceptionnel, témoignant d'une vision crépusculaire de celui qu'on appelle parfois «le dernier romantique».

Le sublime Concerto pour piano n°2 est porté avec la fougue et l'énergie du désespoir. Les vastes et puissants accords arpégés qui scandent le premier mouvement Allegro non troppo sont autant de coups de boutoir impuissants contre les parois invisibles d'une vie qui touche à son terme. La révolte gronde sous les doigts du virtuose russe, admirablement secondé par l'Orchestre Philharmonique de l'Oural placé sous la direction de . Le découragement de l'Allegro appassionato est encore parcouru d'accès de fureurs : un roi enchaîné sur le Caucase ne pousserait pas de rugissements différents, entrecoupés des mêmes gémissements et supplications. Est-ce l'effet de l'enregistrement en public ? on jurerait que Berezovsky prend à témoin une foule assemblée… La rédemption vient avec l'Andante, qui soulage toutes les douleurs. Le pianiste s'y montre humble et recueilli, avant de s'adonner enfin à la joie pure dans l'Allegretto grazioso. Les contours tragiques de l'œuvre ont été parfaitement cernés, ainsi que sa résolution finale : c'est un enregistrement de très grande qualité pianistique et dramatique.

Dans le deuxième cahier des Variations sur un thème de Paganini, Berezovsky déploie une dentelle d'une grande finesse. L'ouvrage est propre et le point fini. L'agilité redoutable de l'artisan se double d'une exquise délicatesse, donnant à chacune de ces variations un cachet particulier, tantôt moqueur, tantôt colérique, tantôt timide. Berezovsky fait défiler avec talent une abondante imagerie de sentiments et d'affects. On se croit avec délice plongé dans quelque Carnaval enfantin.

Le disque se conclut par trois Danses hongroises (n°1, 2 et 4) que Berezovsky interprète avec flamme, restituant leur envergure orchestrale initiale. Dans la quatrième, en particulier, on entend les cuivres graves, les violons toujours nerveux et leurs pizzicati déchaînés. À donner le tournis ! Ces trois Danses composent un bouquet final à la hauteur de ce qui précédait : du très grand piano.

(Visited 333 times, 1 visits today)