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La passion de Pierlot

Comme tous les ans à la même époque, Pâques nous réserve son lot de Passions de Bach. Pour la Saint-Jean, paraissent en 2011 coup sur coup les rééditions des versions dirigées respectivement par Karl Forster (EMI) et Peter Schreier (Newton Classics), ainsi que trois nouveautés : un enregistrement de Frans Brüggen (Glossa), un autre de John Eliot Gardiner (SDG) et celui qui nous intéresse ici, dû à . Après des cantates, un superbe Magnificat (Mirare), et trente ans après les théories de Joshua Rifkin reprises depuis par de nombreux « baroqueux » (quant à l'utilisation chez Bach d'un chœur de solistes), le chef et violiste belge propose sa vision de ce chef-d'œuvre du Cantor de Leipzig qui fut son premier coup de cœur vocal. Mais au lieu de s'en tenir à une des quatre versions de la Passion selon Saint Jean, Pierlot opte pour un compromis. Il choisit la version de 1724 (la plus courante) dans laquelle il inclut Himmel reiße, Welt erbebe, aria pour basse sur un cantus firmus de soprano (dans la première partie) et, curieusement, un choral qui précède le Ach Herr, laß dein lieb Engelien clôturant l'œuvre, ces deux passages étant tirés de la version de 1725.

À la tête d'un en pleine forme (la formation sonne particulièrement bien, tout comme le continuo) délivre une interprétation très (trop…) maîtrisée de l'œuvre. On retrouve avec plaisir parmi les solistes ceux qui avaient fait le succès du Magnificat, au premier rang desquels la soprano Maria Kehoane et , ce dernier en tout point remarquable (timbre, phrasé…) dans les fameux arias et ariosos pour basse. Il tient en outre les rôles de Pierre et de Pilate. Hans Jörg Hammel, malgré des aigus un peu tendus, est un Evangéliste probant, le baryton Matthias Vieweg campant quant à lui un Jésus plein d'humanité. Les solistes sont rejoints par quelques ripiénistes (en tout, deux voix par partie) pour exprimer à travers les chœurs les réactions de la foule, prêtres, juifs, soldats romains et dans les chorals les réflexions, prières de l'assemblée des fidèles. Ce que l'on gagne en souplesse, précision, transparence dans le contrepoint avec ce type de formation réduite, on le perd ici en ampleur, force de la dramaturgie. Cette impression est par ailleurs renforcée par la prise de son très proche, sans guère de réverbération, qui à tendance à gommer les contrastes au profit d'une certaine couleur sonore très léchée.

Ces réserves mises à part, une version qui à défaut de révolutionner la discographie de l'œuvre, mérite amplement qu'on y jette une oreille et confirme une fois de plus les affinités évidentes de ces interprètes avec Bach.

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