Le label Hortus fête dignement l'année Liszt avec un disque catalogue reprenant son tout premier enregistrement réalisé en 1994 et qui lançait donc ce label qui allait devenir au cours du temps un spécialiste de l'orgue incontournable au travers de son directeur artistique Vincent Genvrin, lui-même organiste réputé. Nous retrouvons ici, magistral, aux claviers dans l'une des œuvres majeures de Liszt, caractéristique de sa période mystique. Grâce au chœur Sacrum de Riga et l'orgue gigantesque de sa cathédrale, tout contribue à nous offrir là une version de référence. Nous sommes dans une ambiance néo-grégorienne, ou diverses langues cohabitent, distillant ainsi un discours universel, nous rapportant en musique le calvaire du Christ, en quatorze stations, dont certaines sont jouées par l'orgue seul. C'est une illustration poétique du chemin de croix, dont le principe sera repris plus tard par Marcel Dupré, ou Thierry Escaich.
La prise de son est ample, généreuse, mettant en valeur un chœur parfois très présent, parfois lointain, tel un chœur d'anges céleste. L'orgue à lui tout seul est génial, jamais agressif, au contraire proche d'un immense harmonium aux sonorités infinies, témoin de la facture germanique du XIX° siécle. Certaines registrations sont inédites et ne s'entendent jamais sur nos orgues français, même les Cavaillé-Coll : Un chœur de jeux à anches libres, ou certaines masses basées sur des sonorités de trompettes, sans jamais qu'aucun plein jeu de vienne perturber la pâte sonore.
Certains ont avancé que cet enregistrement ferait date, cela est fort juste, presque vingt ans après, cette vision reste au somment de la discographie, c'est dire le plaisir que nous avons de la retrouver ici.
Une magnifique iconographie blanc et or accompagne ce disque que l'on écoutera avec recueillement et émotion. Le discours est sincère, puissant, religieux mais sans aucune bondieuserie.
Le complément de programme fait mouche avec les célèbres variations pour orgue d'après la cantate de Bach «Weinen Klagen, Sorgen, Zagen», tout à fait dans l'ambiance du Via Crucis, suivies d'une ultime pièce Les Morts, elle aussi pour orgue seul. En cette année Liszt, voici un disque que l'on écoutera avec le réel bonheur de la découverte, autre que le Liszt, brillant et jeune virtuose de salon.