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Matsukaze, opéra conceptuel ou ballet chanté ?

Le compositeur japonais aime les petites formes lyriques et la danse. Après son Hanjo, beau succès à Aix-en-Provence et à La Monnaie, en 2004, il offre un nouvel opus Matsukaze, d'une même durée d'une heure et demie et composé pour quatre chanteurs additionnés à un chœur et un orchestre de chambre.

Alors que la scénographie de Hanjo était réglée par la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker, Matsukaze est une réalisation de sa collègue allemande . Mais son travail est organisé avec la participation de sa compagnie de danse, qui donne toute l'armature nécessaire à ce spectacle. L'imbrication est telle que, plus d'une fois, le spectateur a l'impression d'assister à un ballet chanté plus qu'à un opéra tant les options dramaturgiques du compositeur apparaissent comme conceptuelles. Tiré d'une pièce de Zeami, maître du théâtre nô du XVe siècle et découpée en cinq scènes intitulées : mer, sel, nuit, danse et aurore, le livret est plutôt du genre méditatif envers les états d'âmes des personnages : un moine et les deux sœurs Matsukaze et Murasame. Ces deux dernières amoureuses d'un même homme en meurent de chagrin. L'introspection intérieure des protagonistes se fait au détriment d'une véritable dramaturgie et, sans le support visuel de la danse, l'opéra risquerait de tirer en longueur ! La musique d'Hosokawa reste d'un raffinement exceptionnel avec une parcimonie des moyens qui arrive à suggérer une vaste palette d'émotions avec une utilisation en pointillé des chanteurs, du petit chœur et de l'ensemble instrumental. On n'est pas si loin de la maîtrise poétique de Takemitsu avec ce mélange de hiératisme fascinant et de contrôle de tous les effets. Tout comme le grand compositeur, Hosokawa arrive à peindre un orient symbolique mais infiniment poétique tout en s'avérant intellectuel et suggestif.

Très inspirée par son sujet, parvient à coller à l'esprit de l'œuvre avec des danses, peintures idéales d'un Japon songeur, mais d'une intrigante abstraction lumineuse. Plastiquement, c'est superbe et magistralement interprété, pourtant, on peut s'interroger sur la vie scénique d'une partition qui peinera seule à s'imposer sans cette chorégraphie.

La distribution offre des chanteurs-acteurs rompus aux exigences de la musique contemporaine et dont la grande expérience leur permet de faire ressortir toute les inflexions d'un texte plus récité que véritablement chanté et qui nécessite une infinie palette de nuances. est un moine imposant d'humilité et de sensibilité, mais on ne peut que saluer les prestations des deux sœurs : et que la mise en scène n'épargne pas physiquement. Le Vocalconsort de Berlin et les solistes de La Monnaie sont dirigés avec toute la compétence requise par .

Crédit photographique : Matsukaze © Johan Jacobs/La Monnaie

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