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Intégrale des symphonies de Schubert par Jonathan Nott

Il n'est pas nécessaire d'être un mélomane aguerri ou un véritable discophage schubertien, pour apprécier dans cette réalisation du label Tudor ce qui en fait l'événement. Les intégrales des symphonies de Schubert ne sont pas légion, les bonnes encore moins. Il faut dire que les «célestes longueurs» vantées par Schumann ont un temps fait du tord et que l'écriture académique des premières symphonies n'ont pas vraiment permis de propulser le schwammerl dans les sommets du genre. S'il arrive à convaincre pleinement avec l'angoissante «inachevée» ou la puissante et «grande» symphonie cela n'a jamais suffit à faire de lui le véritable génie à «l'étincelle divine» que Beethoven appréciait. Mais peut-être que pris par le temps, accaparés par l'excellence d'un Mozart ou d'un Beethoven, dépassés par les évolutions consécutives qui ont permis au genre de se renouveler très rapidement en un siècle, avons nous oublié d'y regarder de plus près ? De distinguer chez le compositeur ce qui en aurait fait une sorte de visionnaire ? C'est ce à quoi nous convie ici dont on connaît les qualités indéniables de chef d'orchestre attaché au répertoire contemporain, de Ligeti à Boulez. Le chef anglais et l' ont offert à leur public de la Bayerische Staatsphilharmonie, dès 2003, la possibilité d'entendre autrement. Lui dévoilant, pages après pages ce qui fait la modernité du compositeur autrichien. Déjà, se débarrasser du superflue en oubliant les compositions restées à l'état de fragments. Les symphonies numérotées 7 et même 10 n'ont que peu d'intérêt finalement. La symphonie n°8 dite «inachevée» reprend sa place de septième symphonie à part entière même si elle s'écarte de la forme admise à l'époque avec ses seuls deux mouvements au lieu de quatre. S'écarter de la forme devient la preuve d'un esprit innovant. On se souvient que les deux violoncelles du quintette en ut, maintenant reconnu comme un des plus grands quintette du répertoire, avait fortement déplu à la Vienne conformiste des salons. Un jour, peut-être, la symphonie n°7 «inachevée» gagnerait à se débarrasser de son appellation un peu trop péjorative. Pour bien faire, il faut aussi montrer comment l'héritage de Schubert s'intègre dans la mémoire de ses successeurs. Laisser Berio, Rhim, Mantovani, Schnebel ou Zender nous l'expliquer sur les chemins d'un voyage d'hiver éternel. Et si cela ne suffit pas, profiter du support CD pour concocter des assemblages innovants. On a que trop l'habitude des mariages 5/8 ou plutôt 5/7. Ici, on montre par exemple clairement, par un subtil enchaînement 1/3 et 7 «inachevée», la progression dans la forme et la maturité d'un compositeur trop naïvement inspiré par son idole Mozart qui finit par s'épanouir et aboutir enfin à l'expression pleine et entière de son être créatif et inspiré. L'interprétation est sans fioritures, racée, terriblement efficace. Même la symphonie n°1 subjugue dès les premières mesure et s'impose à nous presque comme une œuvre nouvelle, une redécouverte.

De façon plus pragmatique, le coffret noir et blanc, sobre et élégant, en impose aussi par sa longueur. On aura plus de mal à la qualifier de «céleste» tant il conviendra mal à nos petites étagères. Mais il faudra se laisser sans doute convaincre qu'il mérite une autre place et pourquoi pas celle que l'on accorde aux trophées ? Le prix affiché (environ 100 euros) en fait un réel produit de luxe qui, même s'il fait du mal à nos porte-monnaies en crise, se justifie par l'excellente tenue de l'ensemble et surtout de pouvoir participer avec au projet ambitieux mais si enthousiasmant de la redécouverte d'un Schubert moderne.

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