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Ramon Lazkano, dernier Envol

Avec le dernier concert de la saison donné par l' à l'Auditorium du CRR de Paris s'achevait également la résidence du compositeur basque Ramon Lazkano ; dirigeait ce soir en création mondiale Egan-4, l'ultime pièce de la collection du Laboratoire des Craies qui reprend et résume les trois premières en offrant, au niveau du dispositif (13 instruments) et de la durée, le format le plus important.

On y retrouve l'univers désormais familier du compositeur, entretenant un rapport si singulier à la matière et à la durée : «surfaces mobiles et fluides dessinant un labyrinthe où l'on se perd mais où se construit le temps» nous dit le compositeur lors de l'avant-concert qu'anime, avec sa verve incomparable, Omer Corlaix. Dans Egan-4, Lazkano introduit les résonances flottantes des steel drums pour mieux suggérer ce «vertige du temps immuable». Contrairement aux trois autres pièces, la quatrième amorce aux deux tiers de sa trajectoire une lente progression pour s'achever dans la quasi plénitude d'une sonorité encore jamais atteinte.

Deux autres compositeurs présents dans la salle étaient également à l'affiche de ce concert. Le français , à peine 34 ans, qui s'investit dans de nombreux domaines de la création, le jazz notamment et les relations synchrones de la musique avec l'image et le geste chorégraphique. Live sampling I ne fait cependant appel à aucun support ; c'est la première pièce d'un cycle pour violoncelle solo – Frédéric Baldassare très investi – jouant sur l'interactivité entre le soliste et les autres instruments par des jeux de doublures constantes ; une façon de faire miroiter les couleurs en surface dans un flux impalpable et fugace qui relève d'une belle sensibilité ; la pièce assez courte laisse cependant une impression d'inachèvement en raison peut-être de l'écriture un rien lacunaire du violoncelle épuisant rapidement le potentiel sonore de ses cordes à vide.

, quant à lui, était élève de Gérard Grisey au CNSM de Paris et poursuit une formation universitaire très brillante, obtenant un doctorat en théorie musicale de l'EHESS. Il est relativement peu joué en France, partageant sa vie entre les USA où il enseigne à la Columbia University de New York et Berlin dont il a fréquenté la Hochschule für Musik Hans-Eisler en tant que professeur de composition entre 2004 et 2006. Dans À propos, sous-titré Mon petit musée imaginaire, Lévy met à l'œuvre, en quatre «tableaux», différentes stratégies d'écoute, ingénieuses autant que captivantes, suscitées par les œuvres de quatre plasticiens reproduites dans le programme : Tim Hawkinson, Jeff Wall, Alberto Burri et Giuseppe Penone dont le concept d'Arte povera semble retenir tout l'intérêt du compositeur. Sur la base d'un dispositif minimaliste – quatre instruments et un piano légèrement préparé – Lévy explore, à sa manière virtuose et efficace, quatre univers totalement différents, de l'espace lisse au temps suspendu engendré par les sonorités d'un Gagaku imaginaire – Quand Jeff Wall regarde Hokusaï – à la matière pulsée et énergétique de Rouge Burri en passant par l'univers bruitiste et presque silencieux dans Les automates intimes de Tim Hawkinson. L'ingégnierie sonore y est fabuleuse dont les musiciens de l', sous le geste complice de , détaillent tous les mécanismes avec une extrême précision.

Au cœur du concert et de manière aussi inattendue que bienvenue, s'invitait dont nous entendions quatre madrigaux avec basse continue extraits du Livre V ; l'ouvrage, précédé d'un avertissement aux «studieux lecteurs» où Monteverdi formule son credo esthétique, inaugure la «seconde pratique» du maître de Crémone et marque l'avènement du monde baroque. Ce qui semblait, il y a encore quelques années, l'apanage d'un petit cénacle italien rompu aux tournures idiomatiques du recitar cantando, était interprété ce soir avec un raffinement des couleurs et une vérité dramatique exemplaires par cinq solistes bien français et totalement habités par la théâtralité madrigalesque de Monteverdi. Sous l'autorité de , ténor, Edwige Parat, , Vincent Lièvre-Picart et Paul Willenbrock servaient avec un égal bonheur le texte de Guarini. Noëlle Spieth au clavecin, Frédéric Baldassare à la basse d'archet et Caroline Delume au théorbe assuraient le soutien harmonique désormais indispensable à ces joyaux de la musique.

Crédit photographique : © Olivier Roller

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