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New York Philharmonic, la légende continue !

Le festival de Dresde accueillait la philharmonie de New York pour deux concerts menés par son directeur musical : . La nomination du chef américain, à la tête du plus ancien orchestre des USA, à l'occasion de la saison 2009-2010, avait été, de ce côté de l'Atlantique, accueillie avec circonspection. Qu'un musicien, natif de New York et fils de deux musiciens de la phalange puisse succéder à des légendes comme Mahler, Toscanini, Mitropoulos, Mengelberg, Bernstein, Boulez, Metha, Masur et Maazel, laissait de bois les commentateurs. Pourtant, il se passe incontestablement quelque chose entre ce chef et son orchestre ! En dépit de la poussée d'autres orchestres américains qui contestent aux illustres «Big Five», leur suprématie (on pense aux orchestres de Pittsburg, Minnesota ou Cincinnati) le reste une machine à jouer, implacable dans les tutti et dont les solistes sont capables des nuances les plus infinitésimales. Le chef se sert de l'identité sonore de son orchestre pour la mettre au service de ses interprétations. Car, le reste un orchestre à la pâte sonore identifiable : un son éclatant mais très mat et une puissance incroyable avec des dynamiques véritablement explosives. Cette sonorité granitique et techniquement toujours lisible fonctionne comme un rouleur compresseur contrebalancé par la musicalité de chefs de pupitres géniaux : Liang Wang au hautbois, Mark Nuccio à la clarinette, Judith LeClair au basson, Philip Myers au cor ou encore Philip Smith à la trompette.

Au regard de ces concerts, on peut dire qu' est un chef pragmatique. Dans la symphonie héroïque, il convoque les cordes en tutti mais garde toujours le contrôle de la fluidité et de la progression. Son Beethoven avance inexorablement, avec des tempi modérément rapides mais judicieux. Il est servi par une machine orchestrale ultra-huilée à laquelle il apporte telle ou telle mise en avant des détails. Cette lecture culmine dans les deux derniers mouvements portés par un véritable souffle théâtral. Certes, ce Beethoven, à la fois traditionnel mais moderne, peut surprendre les partisans du radicalisme à outrance ! Pourtant il est éminemment musical !

On monte encore d'un cran avec la symphonie n°5 de Mahler. Là encore, parvient à conjuguer maîtrise de l'architecture et impact de sa vision. Ses tempi, jamais trop rapides, mais jamais trop lents, sont au service d'une lecture efficace et puissante, ni démonstrative, ni chichiteuse d'effets intentionnels. Le travail sur le dosage des dynamiques permet au chef de faire exploser la masse orchestrale tout en gardant une extrême lisibilité entre les pupitres. Tous les musiciens de l'orchestre sont au garde-à-vous et font bloc avec le chef. L'impact et la précision du pupitre de cors, mené par Philip Myers, restera l'un des grands moments de ce concert.

Alan Gilbert est aussi un formidable accompagnateur. Dans les Kindertotenlieder, il cerne les différents morceaux de la pièce et ménage la voix de . Avec le temps, le grand chanteur peine un peu en termes de projection et d'homogénéité de ses moyens, mais il sait rendre, certes de manière assez expressionniste, les moindres nuances du texte Friedrich Rückert. Quant au Concerto pour violon de Sibelius, il fut transfiguré par l'archer de . Fuyant les effets de manche et les facilités, la violoniste décape ce tube du répertoire. Sa technique irréprochable et son prodigieux imposent une lecture ciselée comme un diamant. Alan Gilbert travaille l'orchestration qu'il tire vers une abstraction lunaire, plastiquement superbe.

Deux bis viennent remercier le public : un «Pas de deux» tiré de l'irrésistible comédie musicale On the Town et l'ouverture Carnaval de Dvorak. Si la première pièce, avec ses chaloupements, est taillée sur mesure pour des musiciens qui vivent cette musique comme rarement, le second bis s'avéra un peu trop débraillé et brouillon.

Crédit photographique : Alan Gilbert © Mats Lunquist

 

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