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Brahms à la tzigane

Les rapports étroits que Brahms a entretenus avec la musique populaire apparaissent clairement dans les œuvres de musique de chambre interprétées dans ce concert de 20 heures, et préparent donc astucieusement la plongée dans « la nuit tzigane » qui s'enchaine avec celui-ci. Les deux lieder du compositeur allemand, présentés en début de spectacle, sont comme une sorte de mise en bouche qui donne le goût romantique de la suite de la soirée ; quant au Gesangbuch de , il accentue le côté noir de l'ensemble puisqu'il est composé sur un poème écrit à Auschwitz qui se conclut sur ces deux vers : « Ȧ seigneur Dieu, mon Dieu : Pourquoi manges-tu la tête du Tzigane ? »

Cette dernière pièce est une création commandée par L'Opéra de Dijon à ce compositeur en résidence depuis 2010 dans ses murs. Cette œuvre a sans doute le mérite d'une originalité dans l'alliance des timbres, mais elle parait assez convenue : les procédés habituels de la musique vocale contemporaine s'y juxtaposent sans complexes et ils sont loin de traduire les émotions fortes qui se trouvent dans le texte. De surcroit, la battue incessante de la mesure effectuée par y ajoute un aspect solfègique qui rend la composition bien formelle.

L'interprétation du quintette pour clarinette et cordes sait mettre l'accent sur la fraîcheur d'esprit, sur les émotions intactes qui habitent le cœur du vieux , et sur sa compréhension profonde de la musique populaire tzigane : la tendresse qui se dégage du thème du début du premier mouvement fait apparaître la cohésion totale entre les deux violonistes, et les pseudo-improvisations de la clarinette dans l'adagio sont jouées dans un magnifique rubato. Il faut souligner le rôle fédérateur que tient le timbre de dans cette partition, timbre toujours velouté et jamais agressif.

Le quatuor n° 1 en sol mineur fait partie de ces pièces qui peuvent développer notre imaginaire d'auditeur si elles sont interprétées « con anima » : cela a été le cas, la magie a opéré ! Tour à tour expressifs et pleins d'élan comme dans le premier mouvement ou bien engagés dans un discours plus haletant comme dans l'intermezzo, ou bien encore trépidants comme des musiciens tziganes dans la csardas du dernier mouvement, ils nous ont fait voyager dans la puszta à bride abattue…
Aimez-vous Brahms ? Oui, oui, encore oui !

Crédit photographique :  © Maurits Diephuis

 

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