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Triomphe du classicisme viennois

Dans le cadre du riche festival Toulouse d'été, La cathédrale Saint-Étienne recevait l' et le chœur de chambre Les Éléments pour un concert consacré aux maîtres du classicisme viennois que furent Joseph Haydn et Mozart, deux créateurs de génie, qui étaient d'ailleurs de proches amis. Au programme, la 40e symphonie du cadet et la Missa in angustiis  ou Nelsonmesse  en ré mineur de l'aîné.

C'est à dessein que le directeur du festival, Alain Lacroix dédiait ce concert au grand musicologue britannique HC. Robbins Landon, récemment décédé, qui fit tant pour l'œuvre de ces maîtres et passa ses dernières années à Rabastens dans le Tarn.

Sous l'archet de son premier violon , l'Orchestre de Chambre proposait une étonnante version « allégée » de la 40e symphonie en sol mineur de Mozart dans l'habile transcription pour cordes de Giovanni Battista Cimador. Si la musique de Mozart est considérée comme facile d'écoute, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de l'interpréter et cette écriture si claire et sans rature dans les partitions originales s'avère au contraire d'une extrême complexité. Dès la fin du XVIIIe siècle, l'ante pénultième chef-d'œuvre symphonique de Mozart présentait des difficultés insurmontables à l'orchestre anglais de Haymarket, qui poussèrent le compositeur vénitien Cimador à en faire une transcription pour cordes. Cette simplification ne semble qu'apparente dans la mesure où la partie pour cordes requiert une grande virtuosité et que la réduction de l'effectif accentue le côté tragique de la partition correspondant à la dernière période de fécondité anxieuse de Wolfgang. L'inquiétude domine dès le molto allegro initial et se poursuit dans le climat lourd de l'andante. Un rayon de lumière surgit dans le vigoureux menuetto où les altos jouent la partie originale des cors enchaînant sur l'énergie nerveuse et exaltée qui parcourt l'allegro assaï final.

Les cordes toulousaines donnaient une vision engagée de ce chef-d'œuvre dans une version rare qui oscille entre le divertimento et la symphonie.

À l'instar des six grandes messes qu'il écrivit à son retour d'Angleterre, la Missa in Angustiis  de Haydn fut Composée en 1798 pour l'anniversaire de la princesse Maria Hermenegild, l'épouse de son employeur le prince Nicolas II Esterhazy. Ce n'est qu'en 1800 qu'il dédia l'ouvrage à Lord Nelson en hommage à la victoire de la flotte anglaise contre les Français à Aboukir, lors d'une visite de l'amiral au prince Esterházy à Eisenstadt.

L'orchestration modeste sans harmonie fut dictée par la rigueur des temps, puisqu'en période de guerre où l'empire austro-hongrois était menacé par les troupes napoléoniennes, le prince mélomane avait réduit la taille de son orchestre. Les instruments à vent furent ajoutés en 1800 par un assistant de Haydn et les éditeurs Breikopf et Härtel, qui harmonisèrent la partie d'orgue seul, travaillèrent à partir d'une copie expurgée, ce qui trahit nécessairement les intentions du compositeur.

dirige avec ferveur la version originale pour chœur, cordes, trois trompettes, orgue et timbales selon sa précision coutumière, insufflant une impressionnante dynamique à l'ensemble pour souligner la vitalité dramatique de l'œuvre. Les interventions du chœur balisent le déroulement de cette messe dans une belle articulation, entrecoupées de superbes échanges avec les solistes. L'inhabituelle tonalité de ré mineur domine dans l'austère Kyrie et le Benedictus particulièrement développé entre la soprano, le trio et le chœur. Le fastueux Gloria est suivi d'un Credo confiant  assorti d'un suave Et Incarnatus Est entre la soprano et le chœur où l'on entend des accents rappelant La Création toute proche dans le Sepultus Est.

Comme souvent chez Haydn, l'expression d'une foi confiante et la puissance d'une Église glorieuse dominent largement les sentiments d'angoisse que les guerres napoléoniennes faisaient alors peser sur l'Europe.

Ce fut un plaisir d'entendre cette messe rarement interprétée en France (peut-être par son contexte hostile à Bonaparte, qui a été considéré comme antinational ?) lors  d'une des nombreuses grandes soirées de l'édition 2011 du festival Toulouse d'été.

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