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Magnifique anthologie Glière

En hommage au chef d'orchestre britannique Sir (1924-2009), le label audiophile anglais Chandos rassemble tels quels, en un beau petit coffret, les cinq disques entièrement consacrés à (1875-1956) et enregistrés dans les années 90, mettant ainsi à notre disposition la première anthologie d'importance consacrée au compositeur russe.

Et dire qu'il y a à peine une vingtaine d'années, Glière n'était connu que par l'un ou l'autre concerto, par la brève mais un tant soit peu bruyante Danse des Marins Russes extraite de son ballet Le Pavot Rouge de 1927 (parfois appelé Le Coquelicot Rouge ou La Fleur Rouge, vu la connotation négative du pavot…), et par sa monumentale Symphonie n°3 « Ilya Mouromets » dans des versions la plupart du temps cruellement tronquées. Mais même tronquée, là encore, une fois de plus, nous devons à l'infatigable Leopold Stokowski (1882-1977) – qui avait « raccourci » la partition avec l'accord et l'aide du compositeur – d'avoir fait connaître cette œuvre,
que ce soit au concert, ou au disque en mars 1940 et mars 1957.

De manière assez inattendue, c'est Hermann Scherchen (1891-1966), plutôt habitué aux ouvrages d'avant-garde, qui grava la toute première version intégrale d'Ilya Mouromets en septembre 1952 pour le label américain Westminster. Il n'est donc guère étonnant que l'un de ses élèves, , ait à son tour été conquis comme l'avait été son maître, et initié cette série Glière chez Chandos, un rêve de longue date qui s'accomplissait enfin.

Chef trop peu connu car trop modeste, passionné notamment de musique russe et d'une curiosité enthousiaste, Sir était un pur musicien parmi les plus grands, et l'a brillamment montré durant ses quarante années de relation avec le , et notamment comme premier chef de 1980 à 1991 : l'auteur de cette chronique se souviendra toujours d'avoir entendu à la radio une exécutionéblouissante par ce chef – de loin la meilleure – du poème symphonique Tamara de Balakirev.

Éblouissants ! Voilà donc bien ce que sont tout simplement les quatre premiers disques de cet album, rassemblant les trois Symphonies, les deux grandes suites de ballet Le Pavot Rouge et Le Cavalier d'Airain, le poème symphonique Les Cosaques Zaporogues, et le Concerto pour cor et orchestre.

Lauréat de la médaille d'or au Concours Karajan de 1973, , en tant que premier chef invité du , fut amené à bien connaître et apprécier Sir Edward Downes. Sinaisky le tenait suffisamment en estime pour lui faire cet éloge posthume : « J'ai eu le grand plaisir de connaître Ted Downes lors de notre collaboration mutuelle avec le . Toutes les fois que nous nous sommes rencontrés […] nous avons eu beaucoup de conversations intéressantes et inspirantes au sujet d'une gamme entière de compositeurs, y compris Glière. J'ai rarement rencontré un chef avec une telle passion et une telle connaissance de la musique… »

C'est donc par le cinquième et dernier disque de ce coffret que lui rend hommage en dirigeant des pages de Glière de dimensions plus modestes et moins connues, parfois de circonstance, mais dans lesquelles le compositeur dévoile ses aptitudes à l'utilisation très habile et heureuse des folklores d'Azerbaïdjan et d'Ouzbékistan, ou même de Bouriat-Mongolie.

Romantique convaincu, est le flamboyant continuateur de Tchaïkovski et Glazounov ; il se révéla excellent pédagogue, notamment professeur de Prokofiev qui le vénérait, et le maître vieillissant, tous deux aimaient faire des balades ensemble pour revivre un peu leur jeunesse, s'amusant à chantonner les thèmes des deux premières
symphonies du vieux professeur…

Et sans aucun doute les heureux acquéreurs de cette anthologie se prendront-ils à fredonner à leur tour les diverses mélodies de ce merveilleux compositeur, tant les interprétations sont exhaustives et enthousiasmantes, magnifiées par une prise de son
exceptionnelle, par ailleurs les rendant à tout point de vue nettement supérieures à celles disponibles chez Naxos – Marco Polo.

Ce coffret Chandos est donc à recommander sans la moindre réserve. Le seul léger regret est que l'éditeur anglais n'ait pas pris la peine de réorganiser les enregistrements afin de pouvoir y joindre l'un et/ou l'autre splendide Concerto pour harpe et orchestre op. 74 et Concerto pour soprano colorature et orchestre op. 82, déjà présent dans son catalogue sous la référence CHAN9094, et interprété tout aussi brillamment par le City of London Sinfonia sous la direction du regretté Richard Hickox, avec respectivement Rachel Masters, harpe, et Eileen Hulse, soprano.

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