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Le chef Giuliano Carella, vraie star de Tosca à Copenhague

En janvier 2005, les mélomanes danois prenaient possession de leur nouvelle salle d'Opéra, œuvre de l'architecte Henning Larsen.

Financée par un industriel hautement impliqué dans la composition architecturale du projet, ce nouvel opéra avait fait couler beaucoup d'encre, premièrement pour son architecture. Rapidement surnommé le « grille-pain » en raison de la quantité d'acier mise en œuvre au niveau de son imposante verrière, on a aussi raillé la « casquette » coiffant la salle, geste architectural qui entre temps, était déjà devenu le symbole du palais de la culture et des congrès de Lucerne signé Jean Nouvel (inauguré en 1998). L'œuvre de Jean Nouvel, rappelons-le est située en bordure du lac des Quatre Cantons. La toiture en porte à faux de la salle cherche ainsi de la même manière qu'à Copenhague à tendre la main vers l'eau. Cet emprunt demeure en réalité le seul élément discutable du bâtiment. Au delà de cette considération, nous y avons fortement apprécié la qualité des matériaux mis en œuvre (la beauté des panneaux d'érable teinté recouvrant la salle), l'acoustique parfaite de la salle restituant chacun des détails de l'orchestre et la bonne fonctionnalité générale de l'institution. Un soin évident a été apporté aux besoins de l'amateur d'opéra, pour chacun de ses gestes les plus basiques.
L'exemple de la traditionnelle course au vestiaire à la fin du spectacle n'est tout simplement pas concevable dans cet espace. Il propose en effet un vestiaire en libre accès en plus d'un vestiaire traditionnel!

Un tel écrin à la pointe de la technologie, offre aux metteurs en scène l'occasion d'oublier les contraintes techniques propres aux salles plus anciennes. Cela n'a pas échappé à qui signait ce spectacle. Avec la scénographe Katie Betz, il a imaginé un décor décuplant l'impression d'un point de fuite visuel se perdant au centre du plateau. En avançant vers l'arrière du plateau, l'espace se rétrécit comme si l'on regardait à l'intérieur d'une longue vue. Pour encore renforcer cette impression de vertige, le décor était découpé en « tranches » pouvant chacune se mouvoir en basculant de droite à gauche. A travers certaines scènes, cela permettait de créer des mouvements de torsion du plateau, capables de provoquer le mal de mer chez le plus fier des matelots. Ces mouvements constituaient la majorité de l'animation du plateau. Pour habiller cet espace, les parois latérales du décor étaient simplement striées de bandes lumineuses, conférant à chacun des tableaux une atmosphère distincte. A l'intérieur de cette « boite » nous avons vu évoluer les différents protagonistes dans des costumes classiques, et dans du mobilier de style empire (inévitable…). Nous pouvons saluer ici la bonne harmonie visuelle entre un plateau résolument moderne et des costumes à l'esthétique traditionnelle. Seules les lumières gâchaient par instant cette fête. On a également ressenti plusieurs  fois en cours de spectacle une volonté de démontrer à tout prix les capacités techniques de la machinerie de scène, emportant finalement le spectateur dans un grand gadget mobile et lumineux sans réel apport scénographique.

Musicalement, la maison danoise nous a présenté à l'occasion de cette reprise, une distribution correcte, mais sans éclat. dispose d'une puissance vocale écrasante mais son timbre manquant de finesse fatigue rapidement l'oreille. E lucevan le stelle le révèle plus crédible en Cavaradossi, lorsque son timbre gagne en chaleur. La soprano suédoise maîtrise habilement son vibrato, mais sa Tosca manque d'éclat à cause d'aigus trop souvent retenus. La voix demeure agréable, mais la jalousie maladive de la cantatrice perce difficilement à travers elle. Le metteur en scène ne l'a pas vraiment aidée pour le Vissi d'arte qu'elle doit entamer couchée de manière inconfortable sur la table de repas de Scarpia. Quant à ce dernier dont le rôle était chanté par , il nous a surpris pas un jeu d'acteur très premier degré. Le personnage est abordé davantage comme un rustre que comme l'être cynique et pervers interprété habituellement. Vocalement, le chanteur manque de présence et pêche par des phrasés trop courts détricotant la musique. Les rôles secondaires s'en sortent remarquablement, et tout particulièrement Anders Jakobsson qui joue le truculent sacristain. Le chœur danois est discipliné et assez subtilement nuancé. Il ne force jamais le son et porte remarquablement le final de l'acte I, accompagné de l'excellent chœur de garçons local.

Enfin, la vraie star de la soirée était sans nul doute le chef d'orchestre . Sa direction ne se souffre d'aucun temps mort sur l'ensemble de l'œuvre. Il appuie et souligne avec brio les tensions de la partition et apporte un souffle raffiné à chacune des pages plus en retenue. L'orchestre répond admirablement à la baguette du chef italien et sonne de manière grandiose dans l'acoustique autorisant une écoute au laser de l'orchestre.

Crédit photographique: © Miklos Szabos

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