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Strasbourg, fabuleux archets !

« Les Arditti réussissent à dire plus de choses en un seul coup d'archet que certains concerts dans leur totalité ! » : cette déclaration d'un journaliste du Sunday Times en 1999 semble bien avoir gardé sa validité en 2011 même si les interprètes autour d'Irvine Arditti se sont tous renouvelés: A la faveur d'un rajeunissement de l'équipe, d'une plus haute technicité peut-être… mais toujours galvanisée par la personnalité magnétique de son premier violon qui sait, d'un seul coup d'archet, canaliser les énergies pour créer cette prodigieuse concentration qui soude les quatre interprètes.

 

En atteste la diversité des univers qu'ils allaient faire naître sous leurs archets dans les quatre pièces du programme toutes conçues en un seul mouvement. Le quatuor de Frédéric Pattar met à l'œuvre une investigation très poussée dans le travail des textures faisant appel à des modes de jeu spécifiques: les sonorités fragiles, ajourées et bruitées sollicitant le bois de l'archet dans le début de l'œuvre évoluent vers une matière plus charnue, dense parfois, qui se métamorphose au fil de processus très rapides; le geste engagé est toujours actif, jubilatoire même dans les fins agencements rythmiques évoquant Ligeti. Ce parcours sinueux, un rien déstabilisant, s'achève par un très bel épilogue.

Le rendait un vibrant hommage à , qui disparaissait brutalement en septembre 2010 dans le plein élan de son travail compositionnel, en créant son deuxième quatuor, une commande d'état qui est sa dernière œuvre achevée. La virtuosité rien moins que gratuite qu'il déploie avec une fulgurance prodigieuse évoque ici les morphologies sonores de l'électronique transférées dans l'écriture du quatuor. La matière sonore en constante métamorphose est traitée avec une énergie rageuse, tantôt hérissée de pizzicati cinglant l'espace ou projetée dans sa plénitude sonore au gré d'un imaginaire foisonnant, communiquant toute à la fois une forme de frénésie et un vertige.

Une longue fidélité lie le britannique au Festival Musica et aux Arditti qui jouaient ce soir son sixième quatuor qu'ils ont crée en octobre dernier. Il est dédié au dirigeant syndical écossais James « Jimmy » Reid décédé en 2010. D'une écriture beaucoup plus énigmatique quant au projet compositionnel, la pièce de Dillon multiplie les pistes et les matériaux dans une volonté assumée de travailler dans l'hétérogénéité des sources. Se juxtaposent ainsi des gestes instrumentaux très différenciés et d'une grande expressivité, engendrant une dramaturgie voire une théâtralité assez séduisante sous les archets complices des quatre interprètes.

Le compositeur Bernhard Gander donne, quant à lui, un titre – Khul – à son premier quatuor dont on entendait la création française. L'œuvre est surprenante autant qu'originale par la conduite du propos et la désinvolture du geste qui tend à faire éclater le cadre traditionnel du quatuor à cordes. Gander dit puiser son inspiration dans les événements du quotidien dont il capte les intensités ou les allures telles ces rotations mécaniques sur lesquelles s'obstinent parfois les quatre cordes avec beaucoup d'ardeur et un brin d'humour, toujours avec finesse et d'une exécution irréprochable.

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