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Version visionnaire des symphonies de Louis Vierne par Pierre Labric

Depuis quelque temps l'éditeur Solstice nous offre quelques gravures illustres gravées par l'un des plus grands représentants de l'école française d'orgue. , élève de Marcel Dupré, puis de Jeanne Demessieux, est l'un des derniers organistes de ce courant néo-symphonique de la deuxième moitié du XX° siècle. Durant les années 60 et 70, avait enregistré l'essentiel de ce répertoire sur le Cavaillé-Coll de Saint-Ouen à Rouen, et à Saint-Sernin de Toulouse. Ces gravures microsillons furent cédées aux USA, puis piratés allègrement par d'autres, c'est dire au passage l'intérêt légendaire qu'ils procuraient aux collectionneurs. Depuis les choses sont rentrées un peu dans l'ordre grâce à l'intervention de quelques amis de l'interprète, dont les éditions Solstice, d'où le présent coffret Vierne.

Passionnant ! Tout d'abord, l'écoute sur trois disques du splendide Cavaillé-Coll de Toulouse, avant les grands travaux des années 90. Quelques jeux sont encore disposés par Puget comme la clarinette entendue ici dans le buffet de positif de dos et qui a depuis, rejoint le clavier de récit, ou quelques mixtures passablement revues. Le fortissimo de l'orgue est unique : le regretté Jean Boyer disait que c'était « le plus beau tutti du monde ! ». Il n'est que d'écouter le premier mouvement de la symphonie n° 3 pour s'en convaincre, et les finales avec ces chamades cuivrées, et le roulement de timbale de la contre-bombarde de 32' : un grand orchestre dans toute sa splendeur.

L'interprétation de est juste à tous points de vue, y compris stylistique : en effet quelques choix peuvent surprendre parfois, notamment au niveau des registrations souvent riches en mixtures, mais en fait, inscrits dans la ligne de ce que souhaitait Vierne, séduit par les orgues américains riches de ces sonorités. Cette approche que certains qualifient de néo-symphonique, transmise par Dupré se retrouve bien ici chez ses grands élèves via Jeanne Demmessieux. La musique y gagne en clarté, et apparaît sous un soleil nouveau. La prise de son analogique rend justice aux couleurs de cette musique, et la nouvelle gravure en CD est le fruit d'un magnifique travail d'équilibre. Ces disques sont le témoignage du grand art de Pierre Labric dont on rend enfin justice maintenant. D'autres gravures attendent leur transfert, chez Vierne et Widor en particulier. La mention « volume 1 » sur le présent coffret nous promet donc une suite que certains collectionneurs des anciennes gravures savent sublime (Pièces de fantaisie de à Saint-Ouen de Rouen par exemple). On se laisse porter par la magie de Saint-Sernin dans quelque adagio sur fonds de voix célestes, et solo de flûte, et cette contrebasse profonde de 32 pieds… A bien écouter tout cela, Vierne est bien chez lui, et l'orgue de Toulouse, bien proche de celui de Notre-Dame de Paris au début du XX° siècle.

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