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Metz, Véronique Gens et les Talens lyriques

C'est à un vaste panorama de l'opéra français que nous a conviés ce concert, dont le programme aussi ambitieux qu'original a promené le public messin à travers près d'un siècle d'histoire musicale. Avec Iphigénie en Tauride, le Thésée de Gossec et l'ouverture des Danaïdes de Salieri, c'est l'opéra Ancien-Régime qui s'invite, déjà bien marqué par la grande réforme gluckiste. L'opéra post-révolutionnaire est bien représenté lui aussi, avec notamment l'ouverture de la Médée de Cherubini et surtout la grande scène d'Ina extraite de l'Ariodant de Méhul, véritable révélation de ce concert. On retrouve cette esthétique mi-classique mi-romantique avec le récit et l'air d'Andromaque de l'Astyanax de Kreutzer, autrefois écrit à l'intention de la légendaire Mlle Maillard. La deuxième partie du
concert s'enfonce plus avant dans le dix-neuvième siècle, permettant d'entendre des airs plus connus comme le célèbre « Ah mon fils » de Fidès, manifestement donné dans la tessiture de Rosina Stolz plutôt que dans celle de Pauline Viardot, la créatrice du rôle. Le programme permet également d'entendre la scène de la mort de Didon extraite des Troyens, ou encore l'air d'Elisabeth au dernier acte de Don Carlos, donné, comme il se devait dans un tel contexte, dans la version française originale.

Dans tous ces rôles, sait se montrer magistrale de ligne, de couleurs et de discipline vocale. Si la tessiture plutôt centrale de son instrument lui permet d'aborder sans problème des rôles habituellement dévolus aux voix intermédiaires (Iphigénie, Didon…), son soprano naturel sait aussi se montrer brillant, comme cela est le cas avec l'Elisabeth de Don Carlos ou avec la Catherine d'Aragon de l'Henri VIII de Saint-Saëns, dont l'air « Je ne te reverrai jamais » est donné en deuxième bis.

Faut-il voir dans ce programme de nouvelles orientations de carrière pour notre baroqueuse nationale ? Si , qui a déjà chanté à plusieurs reprises l'Alice Ford de Falstaff, a montré au public de Nantes qu'elle pouvait être une verdienne hors-pair, c'est à présent en Desdémone qu'on l'espère. Et si la voix n'a pas, et de loin, le volume de celle de sa grande devancière Régine Crespin, c'est bel et bien à cette dernière que Gens fait penser par l'assurance de son médium, par l'élégance de son chant et la noblesse de ses phrasés, sans oublier évidemment le chic de la diction. Irait-elle, avec ce médium chaud et rond, cette belle assise dans le grave et cet aigu percutant, jusqu'à chanter la Léonore de Fidelio ? Avec et , cela paraîtrait presque possible…

En te tels artistes, semble en effet avoir trouvé les partenaires idéaux. Si Rousset est à tout moment parfaitement attentif aux respirations de sa soliste, il sait également insuffler à ses instrumentistes la passion et la tension contenues qui conviennent à ces airs. Détaillées avec cette minutie d'orfèvre, les pages les plus connues, notamment celles de Don Carlos, Les Troyens ou Le Prophète révèlent à tout moment des beautés insoupçonnées. Une fois encore, ce concert aura apporté la preuve que la redécouverte de la musique baroque aura également permis de réentendre et de redécouvrir, avec de nouvelles oreilles, de vastes pans du répertoire romantique.

Crédit photographique : Véronique Gens © Marc Ribes et Albert Vo Van Tao

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