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Festival Passions Baroques à Montauban : 1ère édition

Pour leur vingt-cinquième anniversaire et après vingt années de présence dans la cité d'Ingres, ont proposé fin octobre un premier festival à leur ville de résidence. Une juste gratitude pour une ensemble dont la renommée ne cesse de grandir en France et à l'étranger par des concerts plébiscités par le public et des enregistrements faisant référence.

Se déroulant sur deux jours, la première édition se voulait modeste avec trios concerts, mais elle offrait une excellence musicale, qui a séduit demi-millier d'auditeurs sous le parrainage de Jacques Toubon, président de la Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS).

La fête commençait à l'auditorium des Carmes avec , qui touchait un superbe clavecin aux couleurs profondes et riches en harmonie du facteur , dans un récital autour de Rameau. Si l'on est frappé par le sérieux extrême du jeune musicien de 26 ans, titulaire de l'orgue de Saint-Louis en l'Isle, la délicatesse de son toucher et la fluidité de son jeu conquièrent rapidement dans les sévères pièces de , suivies des contrastes de la Première suite de pièces de viole mises en pièces de clavecin de Forqueray. La rythmique marquée évoque le fameux bâton de mesure qui fut fatal à Lully. La légèreté des Grâces de Jacques Dulphy précède l'exubérance des Indes Galantes de Rameau transcrites avec finesse par l'interprète avec l'incontournable « tube » de la danse des Sauvages.

En soirée au temple des Carmes, offraient ces rares motets à trois voix d'hommes de , qui composent le programme de leur dernier disque consacré à la liturgie mariale de la seconde moitié du XVIIe siècle français. Dans ces pièces intimistes d'une grande sensibilité, où le compositeur utilise sa science acquise en Italie auprès de Carissimi, les trois voix de haute-contre, taille et basse-taille s'allient à merveille avec le concert instrumental dirigé de sa flûte à bec par . Deux intermèdes instrumentaux, Ouverture pour l'Église et Pour un reposoir, toujours destinés à la liturgie, ponctuent ces motets vocaux.

Si la famille de Guise, puis les jésuites qui employaient Charpentier lui enjoignaient de composer « une musique noble et sérieuse », ce dernier n'a pas oublié d'y adjoindre l'expression d'une grande sensibilité. La bonne société de l'époque, qui se pressait aux concerts et aux offices ne répondait pas seulement à des motivations religieuses, mais aussi esthétiques.

Les mélismes sensuels des Litanies de la Vierge nous font frissonner, tandis que les troublants tremblements du Hodie Salus évoquent le chœur des trembleurs de Lully ainsi que le célèbre air du froid du King Arthur de Purcell. Le dialogue des deux dessus, et superbes, dans Beatus est Maria est un enchantement, mais on atteint des sommets d'expressivité dans le Salve Regina. Jamais l'interpellation O dulcis Maria ne prend autant de sens que dans cette répétition en écho. On ne peut que louer une fois encore l'intense émotion prodiguée par le timbre de , haute-contre « à la française » d'une belle clarté, parfaitement entouré par son maître et la basse-taille , qui apporte un contraste expressif.

Dans le Magnificat qui clôt la soirée, l'entêtant motif ostinato de la foisonnante basse continue, répété quelque 89 fois, nous reste en tête pour la nuit et encore au réveil…
Le week-end s'achevait le lendemain au théâtre Olympe de Gouge avec un vivifiant récital Vivaldi par la contralto dirigeant elle-même son ensemble . Rompue de longue date au répertoire baroque avec de beaux antécédents vivaldiens (un Stabat Mater avec Spivakov et une participation active à la belle intégrale sacrée de ), la chanteuse associe avec élégance ses deux passions, le chant et la direction en un impressionnant exercice pas vraiment académique, mais jubilatoire. C'est comme si son timbre si particulier, d'une grande profondeur, était naturellement fait pour la musique du prêtre roux, qui appréciait particulièrement cette voix féminine concurrençant les castrats en vogue à l'époque. Presque chorégraphique, sa direction mène avec autorité et un enthousiasme partagé un orchestre à l'écoute et bien en place, tandis qu'elle dévoile avec aisance quelques airs inédits de l'immense production lyrique de Vivaldi, selon le programme d'un disque paru au printemps. Si l'alanguissement des tempos et un luxe d'ornementations ne convainquent guère dans le Stabat Mater, la séduction opère avec une belle variété d'expression dans les airs rares de la seconde partie où l'accompagnement orchestral, parfois réduit à la plus grande simplicité, porte une rythmique digne d'un certain swing baroque. Le violoncelle et le théorbe s'en donnent à cœur joie avec des accords plaqués à la façon Arpeggiata, qui énervent certains spécialistes, mais emportent le public.

Modestes ces premières Passions Baroques à Montauban ? Peut-être, mais assurément réussies et nous espérons avec impatience la seconde édition d'ores et déjà annoncée pour octobre 2012.

Crédits photographiques : © Alain Huc de Vaubert; © Alain Huc de Vaubert

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