- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Nikolai Lugansky,pour un Liszt décanté et moderne

Jouée et commentée aux quatre coins du monde la musique de peine néanmoins à bénéficier d'un engouement populaire franc et massif. Considéré comme le grand virtuose de son temps, n'est-il pas le premier à offrir au public des récitals entiers en soliste… initiative prolongée par des générations de virtuoses exceptionnels. Sans doute, son originalité foncière et son abord pas toujours si évident que cela, ont-ils constitué un frein relatif à sa diffusion. Cette nouvelle anthologie repose sur Nikolai Lugansky dont la carrière a pris depuis peu un envol remarqué et remarquable dans le domaine du récital (Théâtre des Champs-Elysées à Paris, Sunthory Hall à Tokyo, Southbank Centre à Londres…) et avec orchestre (Washington, Birmingham, Baden-Baden, Israël…). Il participe également à des tournées prestigieuses, à des festivals de renom et à des enregistrements « incontestablement passionnants» (The Guardian).

Le piano de Nicolai Lugansky fait le choix d'une lecture certes engagée, c'est-à-dire intransigeante, sans concession aux appels romantiques ni enjolivements, mais bien plutôt à une rigueur, parfois se rapprochant de la raideur, tournant tantôt le dos ostensiblement au brillant et à l'apparat  si typique de Liszt. Ces qualités ressortent d'une élaboration architecturale de premier plan dont la réussite justifie pleinement cette gravure. L'ossature de ce programme Liszt repose sur trois passages tirés des trois Années de pèlerinage, traités sans faille, puissamment et sans théâtralité. Si la Mort d'Isolde, bien que forcément comprise, manque de coulant, de désespoir et si La Campanella a perdu de sa tonicité et de son insouciance naturelle, Les jeux d'eau de la Villa d'Este profitent d'une maîtrise technique irréprochable et d'un rendu presque physique, vraiment exceptionnel. Même sentiment pour Feux follets issus de l'Etude n° 5 en si bémol des Douze Etudes d'exécution transcendante. Belle construction aussi autour de  cette Vallée d'Obermann tirée de la première Année de pèlerinage : Suisse, où le pianiste sait escorter comme il convient le lyrisme panthéiste attaché à cette pièce. Voici un programme défendu avec puissance et précision par un pianiste en tout point concentré et décanté, boudant les expressions romantiques appuyées et souvent factices, au profit d'autres choix entièrement valides et aboutis.

(Visited 441 times, 1 visits today)