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La naissance du violoncelle révélée par Bruno Cocset

En ces temps de crise, il est heureux de saluer ici la naissance d'un nouveau label dont le patronyme, Agogique,  désigne « les légères modifications de rythme ou de tempo dans l'interprétation d'un morceau de musique de manière transitoire, en opposition à une exécution exacte et mécanique ». À l'écoute de ce premier album, c'est bien de cela qu'il s'agit. Mais avant, il nous faut décrire la présentation hautement soignée de cet album, en format 20 x 14, enrichi d'un livret de 136 pages rempli de textes instructifs et de photos d'art. À l'heure du téléchargement, les nouveaux éditeurs savent offrir aux discophiles des objets rares et agréables à manipuler, souvent sous forme de livre disque ou de coffret disque.

Le thème proposé en lui-même excite notre curiosité : la naissance du violoncelle. Voilà de quoi s'informer une bonne fois sur l'apparition de ce phénomène qui bouleversa le monde des cordes au XVIIe siècle. Autour de plusieurs compositeurs italiens, artisans de cette naissance, nous découvrons que le passage de la famille des violes à celle des violons ne s'est pas fait brutalement, mais qu'une foule d'instruments intermédiaires ont alors vu le jour.

À la même époque Bach fut confronté à ce problème, associant souvent ou opposant violes de gambe et violoncelles, jusque dans ses passions où il met en avant la gambe au moment de la mort de Jésus. La viole de gambe est en train elle aussi de disparaître pour laisser la place à son fringant rival.

Cet album nous décrit plusieurs de ces instruments, reconstruits par le luthier Charles Riche, et que joue idéalement pour nous et les membres de l'ensemble . Même si les premières avancées du violoncelle se situent vers 1550 avec les travaux du luthier de Crémone Andrea Amati, ce n'est que vers la fin du XVIIe siècle qu'il va obtenir ses premières lettres de noblesse, grâce à l'évolution de sa facture et du répertoire musical. Une pléiade de compositeurs, eux-mêmes violoncellistes vont écrire quelques œuvres de génie, en particulier Giovanni Gabrielli avec ses fameux ricercari, dont on peut dire qu'ils demeurent les plus belles pièces solos composées avant les suites de Johann Sebastian Bach. Associé à d'autres cordes ou aux claviers, ce nouvel instrument fait merveille, par son équilibre et ses possibilités nouvelles : intensité sonore et tessiture. Bruno Coscet et ses amis transcendent ce répertoire. Tout est à la fois mesuré, énoncé, projeté dans cette rhétorique baroque indispensable pour ces œuvres : L'agogique bat son plein. La prise de son capte subtilement le grain de ces instruments, un vrai délice. Et puis, que ces pièces là sont belles, on y sent cette Italie foisonnante d'idées, d'énergie, d'inspiration.

On se plaira longtemps à feuilleter et admirer ces photos d'atelier, de violoncelles en gestation, puis prêts à l'exécution, tout en écoutant leurs voix retrouvées. Une belle idée pour Noël : offrez ou offrez-vous cet album, vous ferez des heureux, cela se verra dans leurs yeux.

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