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Shaham, Conlon, Petibon et l’Orchestre de Paris

Entre Hollywood, évocation et trivialité.

Un concert visiblement attendu, si l'on en croit le nombre impressionnant de micros et de caméras qui encombraient la scène, la salle et les balcons. Le public pénètre sur un champ de bataille, on s'étonne, on grogne de se voir déplacé, puis on attend la cloche. C'est qu'il ne faut pas manquer cela : un célèbre violoniste américain, une chanteuse talentueuse, un chef qu'on connaît bien et qui nous revient après une longue absence, un programme enfin pour le moins intéressant.

Le concert commence avec la tonitruante School of Scandal de Barber, et tout de suite nos oreilles sont frappées par le style de cet auteur : volontiers brillant, qui ose la mélodie sirupeuse autant que la dissonance crue, le tout moulé dans une orchestration relativement conventionnelle. La forme de l'œuvre est on ne peut plus classique, mais le compositeur se permet des digressions dans le développement, censées correspondre à l'esprit de la pièce de théâtre, qui finissent par brouiller l'intelligibilité du tout. Et lorsqu'on s'est enfin habitué à ces sautes d'humeur, la réexposition arrive, d'une pâleur telle qu'on en sort parfaitement déconcerté.

Le Concerto qui suit ne trahit pas son auteur ; pas virtuose pour un sous, la partie soliste permet à de dérouler de longues mélodies aux contours relativement flous tout d'abord, cependant que le mouvement médian s'avère plus réussi. Il est des airs auxquels on ne peut que succomber. Le final quant à lui fait pendant au Perpetuum mobile de la Sonate de Ravel ; le violon se voit confié un long trait sinueux de double-croches cependant que l'orchestre présente les éléments thématiques. Le public en est chatouillé, sans aller jusqu'à l'enthousiasme délirant. Les interprètes ont encore fort à faire pour assoir la réputation de ce curieux concerto.

, par ailleurs un personnage attachant, talentueux autant que non conventionnel dans sa posture, est visiblement ravi, et ne laisse la place qu'après avoir donné la Gavotte en rondeau de Bach, abondamment saluée.

Viennent les Nocturnes, ces rares bijoux de Debussy, objets de toutes nos attentes. « Nuages », d'un profil si délicat, est joué d'un trait ; Conlon s'attache à enchaîner les sections, ce qui donne certes à son interprétation une grande objectivité, mais ne permet pas au discours de respirer. Les couleurs sont bien rendues, mais le tout reste plat. Dans « Fêtes » au contraire, la vitalité rythmique du discours est parfaitement mise en relief, et les pupitres des bois sont impeccables. L'épisode central quant à lui est maladroitement introduit, on n'est pas allé chercher la nuance la plus douce pour l'entrée en scène de ce cortège solennel, et tout le mystère de ce passage s'envole du même coup. « Sirènes » enfin, qui voit l'entrée du chœur de femmes, est très réussi, les voix tantôt se fondent dans le discours, et tantôt émergent, créant un effet de profondeur délectable. Certains parmi le public ont paru surpris de cette évocation ; il est vrai que Debussy ne semble pas penser à la mer azur de la Méditerranée, il peint plutôt des sirènes embusquées sur les rivages de la Manche.

Le mystère, le mythe … tout cela s'envole dès les premières mesures très terre-à-terre du Gloria de Poulenc. On est loin ici de la transcendance, et c'est une gloire très triviale que célèbrent le chœur et la soprano. l'a bien compris, et elle nous livre une interprétation très incarnée de cette pièce. Le chœur est parfait de diction et de cohérence, l'orchestre et le chef mènent le tout sans sourciller et avec efficacité. Une bonne version, donc, dont nous aurions tout de même pu attendre plus de subtilité dans l'étrange « Domine Deus ».

Crédits photographiques : © Christian Steiner

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