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Le gothique de la démesure d’Havergal Brian

C'était le grand événement de la saison 2011 des concerts promenades de Londres : la démesurée Symphonie n°1 d', régulièrement citée dans les histoires de la musique comme la partition la plus extravagante jamais composée ! 

Du moins celle qui terrorise tous les organisateurs de concerts par ses effectifs : 210 instrumentistes (dont 17 percussions, 68 cuivres et 32 bois) sans oublier les 600 choristes. On ne sera donc pas surpris que ce concert estival était seulement la neuvième exécution mondiale de la partition !

Autodidacte, issus d'un milieu modeste, fut une figure originale de la vie musicale anglaise. Compositeur prolifique (4 opéras et trente-deux symphonies), il connut son heure de gloire sur ses vieux jours. Il composa pourtant sa symphonie « gothique » entre 1919 et 1927 alors qu'il traversait une période très difficile de sa vie, autant financièrement que professionnellement. Composée surtout la nuit, car le jour Brian travaillait comme journaliste ou copiste, la partition ne ressemble à aucune autre ! Pourtant la Symphonie fut seulement créée en 1961. Les conséquences de la crise de 1929, puis la Seconde guerre mondiale rendirent vaines les tentatives de programmer une partition aussi ruineuse !

Le traitement choral évoque Berlioz, Elgar ou même le jeune Schoenberg, tandis que l'instrumentation n'épargne aucun pupitre à l'image de la redoutable cadence confiée au xylophone dans le deuxième mouvement. Les chocs entre les parties chorales et orchestrales sont véritablement explosifs, pas si éloignés des expérimentations de Ives ou Varèse, tandis que les passages choraux évoquent la musique anglaise de la renaissance.  L'écriture du compositeur est particulièrement libre dans ses développements chromatiques et modaux.

La partition répond aussi à un programme philosophique et intellectuel, en partie tiré du Faust de Goethe, mais qui ambitionne d'évoquer la période gothique comme « une période de développement presque illimité du savoir humain profane et spirituel ».

Pour affronter cette partition, il faut un maître de cérémonie expérimenté et compétent. Chef d'une rare flexibilité, grand défricheur de raretés, est le partenaire idéal. Il galvanise des forces chorales et musicales engagés comme rarement. De par sa culture musicale, il fait ressortir l'originalité de l'écriture et les multiples influences ou les aspects modernistes. Cette lecture portée par une énergie unique, surclasse les deux autres versions disponibles : celle pionnière de Boult (Testament) ou celle trop  modeste d'Ondrej Lenard (Naxos).

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