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Célébrations staliniennes à Pleyel par Vasily Petrenko

Les œuvres musicales « militantes » entrent rarement au répertoire. Qui se souvient des compositions d'Ivan Dzerjinski ou Tikhon Khrennikov ? Ce Chant des forêts de , composé en 1948, créé en 1949, donc en pleine période de disgrâce, fait partie de ces morceaux à la gloire du Petit Père des peuples, sitôt créés et sitôt oubliés. Le compositeur, accusé de formalisme par le rapport Jdanov, étrillé en raison du propos badin de sa Symphonie n°9 (alors que Staline espérait un hymne à la libération et la fin de la Seconde Guerre Mondiale) n'a d'autres choix que d'obéir à la commande officielle d'une cantate destinée à vanter la politique de reforestation des rives de la Volga. Staline n'avait pas eu le pendant soviétique de l'Hymne à la joie ? C'était mal le connaître…

Quoiqu'il en soit, Chostakovitch renia son Chants des forêts. A l'écoute de la prestation de ce soir, comment ne pas lui donner raison ? Certes le génie pointe son nez derrière ce fatras cuivré et kitchissime, avec des effets subtils d'orchestration et une veine mélodique inépuisable. L'œuvre a le mérite d'être un témoignage historique de première importance, d'une qualité bien supérieure (mais à vaincre sans péril…) aux commandes reçues par Khrennikov, Kabalevski, Chtchedrine ou Gliere. Evidemment la moindre faute de goût dans ce type d'œuvre est impardonnable. fait sonner l'Orchestre philharmonique de Radio-France, le Chœur de Radio-France confirme sa forme rayonnante, la Maîtrise continue sur sa lancée qualitative depuis plusieurs années. Les deux solistes, le vétéran et la révélation , défendent la partition à bras le corps. La partition ainsi servie permet au public d'en savourer chaque instant sans s'ennuyer – et de ne pas rire des platitudes du texte…

En seconde partie, proposait sa sélection des numéros de Roméo et Juliette de . Une interprétation énergique, engagée, qui rue dans les brancards mais n'exclut ni la précision du jeu ni la finesse d'exécution, comme en témoignent le virtuose Les Masques ou la très subtile Mort de Roméo. Le public venu en masse, en réservant une ovation de plus de dix minutes, ne s'y est pas trompé.

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