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Pollini et Chopin

Le 5 janvier 2012 a fêté ses soixante-dix ans. Pour célébrer son anniversaire, Deutsche Grammophon a édité deux premiers volumes de l'intégrale de ses enregistrements pour le label : 20th Century et Chopin sans oublier une nouvelle lecture du Concerto n°1 de Brahms.

Triomphateur  du Concours international Chopin de Varsovie en 1960, Pollini compte parmi les plus grands interprètes contemporains du compositeur polonais. Quoique le répertoire du pianiste soit de grande étendue, Chopin y a toujours occupé une place importante. Au fur et à mesure de sa carrière, Pollini reprenait ses compositions en concert et en studio ; dans les années 1960 pour EMI et depuis le début des années 1970 pour Deutsche Grammophon. Le coffret Chopin par Pollini contient neuf disques mis dans l'ordre chronologique, soit toutes ses interprétations chopiniennes ayant d'ores et déjà été enregistrées pour le label allemand. Nous y trouverons la majorité des œuvres pour piano seul de Chopin avec une très bonne qualité du son. Comme dans le cas des coffrets Vladimir Horowitz, Sviatoslav Richter et Martha Argerich, les pochettes en carton qui contiennent les disques individuels reprennent les visuels des couvertures originales.

À écouter tous les disques du coffret l'un après l'autre, on s'aperçoit que le style du pianiste n'évolue presque pas, ce qui ne veut pas dire qu'il joue une pièce deux fois de la même manière. Comme l'indique Jeremy Siepmann dans un commentaire inclus dans le livret de l'album, le fait d'avoir réenregistré par Pollini la Deuxième ballade et la Deuxième sonate de Chopin « nous offre un fascinant aperçu sur le fonctionnement de la pensée créatrice et interprétative. La musique n'est pas figée, et une interprétation unique ne peut révéler tous les aspects d'une œuvre donnée. »

Si les exécutions de référence de Chopin par Cortot ou par Horowitz sont des perles en raison de la créativité interprétative énorme de ces deux artistes, celles de Pollini sont de l'or pur. Le virtuose italien nous livre un Chopin toujours parfait au niveau technique, marqué dans un ton grave, bien précis, raisonnablement froid et cherchant à aller vers une objectivité presque impossible à saisir, d'une grande intelligence musicale. Ses interprétations nous plaisent non seulement par l'aspect technique – comprenant surtout une extraordinaire agilité digitale et la clarté des plans – mais aussi, et probablement avant tout, par la finesse du toucher et la puissance dramatique. Et il ne s'agit pas de l'énergie provenant du tempérament du pianiste car celui-ci est modéré et peu impulsif, mais d'une force enfouie dans les pièces mêmes, éveillée par le regard philosophique de l'interprète. Par ce fait et par une maîtrise absolue de la forme, Pollini parvient à créer un Chopin épique et monumental, comme s'il était sculpté dans le marbre. De l'extérieur, le Chopin par Pollini est restreint au niveau émotionnel, assez froid et manquant d'une certaine sensibilité pour les couleurs vives qui auraient illuminé ces œuvres. Néanmoins de l'intérieur il est dense d'émotions et d'une ardeur inquiète.

Les enregistrements de Pollini sont de plus haut niveau interprétatif et constituent une sorte de référence moderne pour ceux qui cherchent dans l'univers chopinien une objectivité certainement insaisissable, mais se pouvant maîtriser grâce à une réflexion profonde et l'approche philosophique.

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