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À la recherche de la messe perdue

est un compositeur italien de la Renaissance (c.1536-1592) qui, originaire de Mantoue, fit carrière à la Cour des Médicis à Florence à partir de 1559 et dont on ne connaissait l'œuvre, jusqu'à une période récente, qu'à travers un exemple de polychoralité, son motet à quarante voix Ecce beatam lucem (1561), enregistré par Paul Van Nevel dans le disque Utopia Triumphans (Sony). Les connaissances sur Striggio se développent en 2005 lorsque le claveciniste et musicologue Davitt Moroney découvre à la Bibliothèque Nationale de France le manuscrit d'une messe tirée de ce motet, la Missa sopra Ecco sì beato giorno, pour quarante voix (soixante même dans l'Agnus Dei final !). Éditée par Brian Clark et Robert Hollingworth, la pièce fut enregistrée par le chef anglais et son ensemble I Fagiolini, le disque publié par Decca (agrémenté d'un « making of » en DVD) faisant grand bruit à sa parution en 2011.

Pour célébrer dignement les vingt-cinq ans du Concert Spirituel, , interprète plutôt d'un répertoire plus tardif, s'est également penché sur cette messe extravagante (1566/1567), une œuvre qu'il connaissait grâce à . Le contre-ténor, chef, musicologue l'avait en effet découverte (par hasard) et copiée dès la fin des années 1970 ! Le chef a donc reconstitué un office complet, en intercalant entre les parties de cette messe monumentale de Striggio des pièces d'Orazio Benevoli, Francesco Corteccia et Claudio Monteverdi. Ce programme a tourné en concert depuis 2011 et fait à présent l'objet d'une publication en disque, simultanément à la sortie d'un documentaire en DVD qui nous intéresse ici. Beaucoup plus développé que celui proposé par Decca, outre des passages de répétition filmée, il fait intervenir l'enthousiaste , mais aussi , Philippe Canguilhem, Jérémie Papasergio et Elisabeth Geiger, musiciens derrière le projet, qui émettent des hypothèses, donnent des explications quant aux circonstances de la composition de l'œuvre, sa disparition pendant des siècles, sa redécouverte récente, les conditions de sa recréation. Les intervenants montrent aussi ce qui la rend exceptionnel par rapport à d'autres œuvres polychorales en particulier le motet Spem in alium de Thomas Tallis, qui aurait été composé en réponse au motet Ecce beatam lucem de Striggio.

Contrairement à la version de Robert Hollingworth, il y a pour ce projet réellement quarante voix, cinq chœurs de huit chanteurs, les instrumentistes, une quinzaine, n'étant là « que » pour doubler certains d'entre eux et donner plus d'ampleur, de relief à certains passages.

Le documentaire est complété par une interprétation de la messe filmée par Olivier Simonnet en 2011 à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris. Une véritable enquête policière qui justifie pleinement la publication d'une deuxième version de cette œuvre, même si elle ne peut se prévaloir d'être une première mondiale. Il faut néanmoins reconnaître que ce type de répertoire a plus d'intérêt interprété en concert dans une église qu'écouté en disque ou regardé en DVD. Par ailleurs, la Missa sopra Ecco sì beato giorno de Striggio, certainement importante dans l'histoire de la musique, n'éclipse pas les messes et motets de grandes figures de la Renaissance, Tallis, Byrd, Palestrina, Lassus ou Victoria.

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