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Le Vaisseau fantôme fait escale à Cologne

Encore du Wagner à Cologne. Une semaine seulement après la formidable reprise des Maîtres chanteurs, l'Opéra offre une nouvelle production du Vaisseau fantôme non moins réussie – et quelque peu surprenante.

En effet, , ex-enfant terrible du Regietheater à l'allemande, signe ici une mise en scène tout à fait classique et d'un professionnalisme sans failles. Point de costumes gris contemporains ni de manteaux de cuir et même pas de valises. Au contraire, nous sommes bien chez des marins et, comble de réalisme, les femmes filent du lin lorsqu'elles en chantent, à l'aide d'une machine électrique pourtant puisque l'action est située au XIXe siècle ce qui, par ailleurs, nous vaut de superbes costumes.

Certes, l'idée de présenter l'œuvre comme un rêve de Senta n'est plus très originale, mais elle reste toujours pertinente. D'autant plus si l'on dispose d'une Senta qui, scéniquement et vocalement, frôle la perfection. Jeune, blonde, svelte, au timbre clair et lumineux, rappelle la grande Anja Silja. Habilement elle négocie, au début, quelques passages un peu trop graves pour elle, pour nous gratifier, par la suite, d'un haut médium des plus radiants et d'un registre aigu émis avec une facilité déconcertante. Tour à tour rêveuse et hystérique, cette Senta fascinante du début à la fin mérite bien d'être placée au centre d'une mise en scène caractérisée, par ailleurs, par une direction d'acteur soignée jusqu'au moindre détail. Daland, par exemple, n'est pas le vieux barbon un peu monolithique comme on nous le montre souvent. Plutôt jeune, Lars Woldt en fait un marchand roublard, se cachant derrière une fausse bonhommie. Très en voix, son chant à la fois puissant et nuancé fait oublier un registre grave plutôt faible. Le Hollandais n'a ici rien de démoniaque. Blême, déguenillé, curieux, il fait peur, certes, mais il suscite également de la piété. Le démon, c'est Samiel, une femme à deux visages et douze doigts qui accompagne le marin errant n'hésitant pas à se dénuder pour séduire sa victime. incarne à merveille ce Hollandais humain. Dotée d'une voix puissante, aux graves abyssaux et aux aigus ravageurs, il nous enchante avec un chant constamment habité, capable, également, de superbes demi-teintes. , Erik pourtant valeureux, aux aigus faciles et lumineux, aurait pu prendre une leçon de légato avec lui…

Saluons pour finir le remarquable timonier de , au timbre particulièrement beau, la formidable prestation des chœurs, puissants et nuancés à la fois, ainsi que la lecture passionnante du jeune chef . Prévu pour deux représentations fin mai, il avait remplacé initialement prévu. Dès les premières mesures de l'ouverture il galvanise les musiciens et cela sans jamais noyer les chanteurs sous une vague de décibels. Tour à tour dramatique et lyrique, énergique et retenue, cette interprétation fascine tout au long des deux heures et demie sans une seule baisse de tension. Dommage que le public, à la fin, se montre moins enthousiaste envers ce jeune chef qu'envers les chanteurs. Il l'aurait mérité autant.

Crédit photographique :Senta (), Le Hollandais () © Paul Leclaire

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