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Debussy par Stéphane Denève

termine son mandat à la tête de l'orchestre royal d'Ecosse par une « intégrale » des pièces symphoniques majeures de Debussy. 

Le chef se limite aux pièces purement orchestrales et exclusivement dues à la main du compositeur. Il ne cherche pas, à l'image de Jun Märkl, à proposer les multiples orchestrations.

Déjà auteur d'une intégrale indispensable des œuvres d'Albert Roussel, le musicien récidive et marque la discographie des partitions de Debussy. L'exploit n'est pas mince tant la discographie s'avère des plus relevées !

Denève parvient au parfait équilibre entre le soin porté aux détails, la précision, la narration, et le travail des couleurs. Il cisèle une masse orchestrale à la manière d'un peintre néo-impressionniste, avec une baguette qui fait exploser les teintes mais qui soigne les contrastes et les transitions. Loin de la vision certes rigoureuse mais parfois raide de Boulez (DGG plus que Sony) ou l'hédonisme un tantinet narcissique de Celibidache (DGG/EMI ou Medici), Denève travaille l'instrumentation faisant surgir un océan de détails. La lecture des redoutables Images, est l'un des sommets de la discographie de la partition. La battue est coloriste, mais toujours sensuelle et surtout elle est guidée par la logique d'un conteur ménageant le suspense de ses effets. Rarement les « Parfums de la nuit » d'Ibéria  ont sonné avec autant d'ambiances et d'odeurs chaudes des soirées espagnoles ! La palette orchestrale est toujours très maîtrisée, mais le chef laisse le pouvoir de l'imagination à ses musiciens, là ou un Boulez serre trop la vis et où un Gatti (RCA) se vautre dans le plus mauvais gout. Les Nocturnes sont également l'autre grand moment de ce coffret avec une plastique orchestrale idéale, ondoyante et ensorceleuse. Il en va de même des autres interprétations comme une Mer portée par un souffle et une joie dionysiaques. Même une miniature comme la Berceuse héroïque est traitée avec un soin méticuleux.

L'orchestre  royal d'Ecosse peut s'enorgueillir d'une prestigieuse histoire et d'une vaste discographie, mais on ne l'attendait pas à un si haut degré technique. La précision est chirurgicale et la palette des couleurs ne semble pas avoir de limites. Les pupitres des vents sont acérés et l'homogénéité de la phalange est digne d'éloges. L'identité sonore est aussi très satisfaisante avec une rare compréhension de la culture sonore française nécessaire pour restituer toutes les facettes de Debussy. La comparaison avec le récent disque de  l'Orchestre national de France et Danielle Gatti (RCA) ou avec le coffret Naxos de l'Orchestre de Lyon et de Jun Märkl est atrocement cruelle pour les phalanges françaises, pulvérisées sur tous les secteurs du jeu et de la technique !

Ce coffret, superbement enregistré, est évidemment la grande référence des années 2000-2010. On peut même légitimement préférer cette somme à la philologie trop didactique d'un Boulez (DGG) ou la distance rectiligne d'un Dutoit (Decca), pour en rester à ces sommes récentes et technophiles.

 

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