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Kristjan Järvi avec l’Orchestre de Paris, l’hispanité en question

L' « répétait » hier soir à Pleyel son programme pour la fête de la musique, qu'il donnera – heureuse tradition – sous la pyramide du Louvre. Ce programme modèle est centré autour du concept d'hispanité en musique ; qu'on la rêve, qu'on cherche ses origines passées ou qu'on veuille au contraire les dépasser, cette hispanité se révèle protéiforme en même temps qu'étrangement familière.

La Sinfonia India qui ouvrait le programme est une curiosité, volontiers jouée par les orchestres sud-américains (et enregistrée par Gustavo Dudamel en 2009), mais fort méconnue sous nos latitudes. , mexicain de son état, entend y rendre hommage aux musiques pré-hispaniques, ce qui passe par une rythmique volontiers heurtée, itérative, primitiviste en un mot, une technique de l'à-plat formel généralisé et un pupitre des percussions passablement renforcé – guiro et mâchoires d'âne obligent. Le tout sonne de façon fort exotique, même si l'oreille décèle des influences de Copland, voire de Stravinsky, notamment dans les sections lentes, très réussies et que les bois de l'orchestre ont un plaisir évident à jouer. Un morceau fort enthousiasmant donc, même si l'on n'a pas crié au chef d'oeuvre.

Les chef-d'oeuvres, la suite n'en manquait pas, à commencer par le plus populaire sans doute, le Concierto d'Aranjuez, dans une version pour harpe que nous ne connaissions pas, bien qu'ancienne. La question de la pertinence d'un tel arrangement ne se posait pas cependant, parce que s'est tout de suite imposé dans ces pages célébrissimes par la grande finesse de son jeu. Maniant le clair-obscur, les contrastes de jeu, entre timbre cristallin et mode guitaristique, il trouvait en un partenaire de jeu attentif. Jamais l'orchestre ne couvrait la harpe, et les interventions solistes des bois se révélaient des moments chambristes délectables.
Non content de son effet, gratifiait le public de deux bis, le premier en soliste et sous forme de thème et variations, très démonstratif, le second de concert avec l'orchestre, un arrangement du premier mouvement de L'Hiver de Vivaldi – qui figure au programme de son récent enregistrement Notte Veneziana. Curieux, certes réussi, mais sans plus.

Après la pause, l'orchestre éclatait dans l'Alborada des gracioso, qui passait comme une fusée, parfaitement maîtrisée. À noter, la grande expressivité du basson solo, Marc Trénel, qui trouvait encore des merveilles d'inventivité dans le Tricorne suivant, où le basson suggère le personnage grotesque du corregidor.

Le Tricorne justement fut largement salué par l'audience, du fait des qualités incontestables de l'interprétation. Comme quoi un orchestre français manié par un chef estonien peuvent rendre les couleurs de l'Espagne avec brio ! Et le bis proposé, en forme de concession tant au public qu'à l'effectif orchestral élargi, prolongeait le plaisir avec la « Danse du Feu » de l'Amour Sorcier, dans une orchestration fort lourde par ailleurs.

Crédits photographiques : © Peter Rigaud Gmbh

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